La Charte : nationalisme identitaire, ou denationalisme républicain? On doit choisir

Par Pierre Brassard le 3 janvier 2014

Le ministre et depute du Parti Quebecois de Jonquiere Sylvain Gaudreault est un personnage special dans la faune politique. Fierde ses origines acadiennes et bon serviteur envers sa formation politique qui l’a vue naitre, M. Gaudreault obeit bien aux consignes pequistes. Son sens du devoir politique peut cependant reveler des postures surprenantes. Surtout a la lumiere du debat sur la Charte des valeurs.

Dans une activite du Ralliement Acadien qui s’est tenue specialement dans la region du Saguenay-Lac-St-Jean ,(juste apres l’agitation des carres rouges et le debut de la proposition d’interdire tout signes religieux ostentatoires de sa formation politique au sein des employes de l’Etat), le depute de Jonquiere s’est fait photographier a ce moment-la avec un symbole tres parlant: il portait fierement sur lui pour les besoins d’une photo,comme president d’honneur de l’evenement, l’etoile doree du drapeau acadien (l’etoile aux couleurs papales, symbole de fidelite du peuple acadien a l’Eglise catholique romaine).

Que signifie ce manque de jugement du depute de Jonquiere. Ne sait-il pas que le Parti Quebecois est laique et republicain et ne tolere pas que des politiciens se servent d’un signe religieux distinctif relie de pres ou de loin a une affiliation religieuse pour se faire du capital politique ? C’est le maire de Saguenay Jean Tremblay qui doit etre content. Pourquoi se preter a ce jeu ostensible ? Et pourtant.

Cette anecdote savoureuse que je raconte pourrait a priori etre insignifiante. Et pourtant non. Le militant Sylvain Gaudreault carbure au nationalisme et au regionalisme depuis le debut de son militantisme au sein du Parti Quebecois. Il procede en region un peu comme l’ecrivain de Trois-Pistoles Victor Levy-Beaulieu : un curieux melange assez contradictoire de nationalisme identitaire, denationalisme civique jacobin francais et de regionalisme.Il faut en convenir. Cela cohabitedifficilement ensemble en meme temps dans un meme parti politique. Un recadrage s’imposerait peut etre pour lui rappeler saprofonde meprise des identites collectives qu’il refaconne a sa maniere, selon les circonstances.Pourle dire plus crument. On ne peut etre a la fois au Saguenay-Lac-St-Jean un regionaliste et un nationaliste laique et republicain de type jacobin. Il le sait. On doit choisir.

 M. Gaudreault connait l’histoire du Quebec et l’histoire de sa region, le Saguenay-Lac-St-Jean. Historien de formation et avocat, il connait de plus les susceptibilites que certains signes religieux ou politiques peuvent engendrer dans l’univers mediatique et politique. De grace, qu’il evite toute polemique disgracieuse qui pourrait avoir des consequences pour lui et sa famille politique dans le debat sur la Charte. A moins bien sur qu’il recherche les projecteurs.

Depuis longtemps M. Gaudreault est un fier « regionaliste ». Il s’est toujours enrober politiquement– et il n’est pas le seul- dans le drapeau du Saguenay-Lac-St-Jean en sachant pertinemment que c’est un religieux (et non un homme ou une femme politique de l’epoque) qui l’a promu, en l’occurrence Mgr Victor Tremblay en 1938, deux ans apres l’installation du crucifix de Maurice Duplessis a l’Assemblee Nationale. Est-ce un signe de contradiction pour un « nationaliste republicain » comme M. Gaudreault? Si on est capable comme un bon republicain de revoir radicalement les symboles religieux dits ostentatoires dans l’appareil de l’Etat du Quebec, est-on capable de travailler avec coherence sans hypocrisie ?

Francite, americanite, liberte

Dans une chronique qu’il animait en 2003 au journal regional Le Quotidien du Saguenay-Lac-St-Jean, M. Gaudreault elaborait une autre facette de sa personnalite sur les notions d’identites collectives, de libertes individuelles, de querelles de drapeaux du Canada, du Quebec et du Saguenay-Lac-St-Jean (qui ne seraient la propriete d’aucun parti dit-il). Un paragraphe merite d’etre cite pour tenter de comprendre sa pensee politique.

(…) « L’evolution de notre identite ne peut se faire en vase clos. Cela concerne l’ensemble de la societe quebecoise et non seulement les groupes ethniques agissant de facon separee, surtout dans un contexte de declin demographique. A quoi le Quebec ressemblera-t-il dans 50 ans, dans 100 ans ? Je le vois enrichi de valeurs et de pratiques partagees par ses differentes communautes. Pour cela, il faut que les immigrants rencontrent la majorite des leur arrivee. » (…) (Sylvain Gaudreault, Les drapeaux ne sont la propriete d’aucun parti, Le Quotidien, 21 juin 2003, p.9)

A la lumiere de cette argumentation et de la recente proposition de la Charte des valeurs quebecoises de son gouvernement qui risque eventuellement de se radicaliser(selon le ministre Jean-Francois Lisee), je vois dans ce propos de 2003 un curieux melange d’angelisme et de meconnaissance du fait politique quebecois. Apres tout, enrichir les valeurs du Quebec « par ses differentes communautes » inclut-il ceux qui tiennent a porter leurs signes religieux en tout temps ? Le salut d’une Charte des valeurs passe-t-il vraiment par le modele de la France republicaine sans aucune resonance de l’americanite du Quebec ? Il est permis d’en douter.

La posture du ministre Sylvain Gaudreault touche plusieurs zones sensibles. Son gouvernement minoritairere mue beaucoup de choses en meme temps :droit des minorites, droits des minorites religieuses, libertes individuelles,Chartes canadiennes et quebecoises. Je ne peux pas croire que tout cela va bien finir pour l’avenir de la formation politique de M. Gaudreault. Trop de front en meme temps. Peu de pragmatisme.


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