La Caisse de dépôt a connu une très mauvaise année. La chasse aux responsables est maintenant ouverte. Le hic, c’est que dans cette affaire il n’y a que des IRRESPONSABLES. C’est la faute à personne parce que c’est la faute à tout le monde. « Il n’y aura pas d’empreintes digitales sur l’arme du crime, car il n’y a pas de crime. (1) » Pas de crime, une simple comédie d’erreurs.
Jean Charest et Monique Jérôme-Forget ne veulent pas dire la vérité, Pauline Marois et François Legault ne veulent pas l’apprendre. « La vérité n’intéresse personne » (2). La connaissance de la vérité ne sera éventuellement qu’un effet secondaire plus ou moins désiré. Tous tant qu’ils sont ne font que jouer la game ! Les libéraux refusent d’avouer les erreurs qu’ils ont réellement commises ; les péquistes veulent faire avouer aux premiers des erreurs qu’ils n’ont pas commises. Belle mascarade ! Tant pis pour les pertes en capital ! Ce qui importe c’est de se faire du capital... politique !
Le seul qui semble avoir dit plus que la moitié de la vérité, c’est Henri-Paul Rousseau, qui a fait son mea-culpa lundi dernier. Le papier commercial, c’est lui ! Après son départ, son successeur et le conseil d’administration ont fidèlement suivi ses traces. Mais ne venez pas me faire accroire que la responsabilité en retombe sur la ministre des Finances, qui se serait garrochée sur le téléphone pour forcer la main aux administrateurs de la Caisse. Ce qu’on peut reprocher à la ministre, c’est d’avoir été au courant de la débandade (ce qui n’est d’ailleurs pas prouvé), mais de l’avoir caché pour ne pas nuire à la réélection de son parti. Si c’est vrai, on est justifié de l’en blâmer. Mais eût-elle fait des aveux pendant la campagne électorale, que cela n’aurait rien changé à la réalité des pertes.
Sans présumer de ses motifs (qui pouvaient être bassement partisans), le seul qui paraît avoir su (et dit) la vérité alors que tout le monde observait un silence gêné, c’est Mario Dumont qui, pendant la campagne électorale, parlait de pertes de 30 milliards. Mais il paraît qu’il voulait effrayer les vieux... Ceux qui blâment aujourd’hui Jean Charest et sa ministre des Finances devraient surtout se repentir de n’avoir pas voté pour celui qui disait vrai. Les péquistes tentent aujourd’hui de rattraper l’ancien chef de l’ADQ en poussant des cris d’orfraie. Risible ! Que la ministre confesse ses vraies fautes. Il serait dégoûtant qu’elle reconnût des péchés qu’elle n’a point commis.
Décidément, les politiciens québécois jouent un petit jeu dont ils inventent les règles au fur et à mesure que la partie se déroule. Même ce qui nous paraît habituellement certain, c’est-à-dire qu’ils ne veillent qu’à leurs propres intérêts politiques, l’intérêt public venant en second lieu dans l’ordre de leurs préoccupations, vient d’être remis en question par la dernière décision du premier ministre.
La nomination de Michael Sabia à la tête de la Caisse a toutes les apparences d’un coup de dé. Mais quelle mouche vient donc de piquer Jean Charest ? Ne présumons pas de l’avenir, M. Sabia fera peut-être du bon travail. Là-dessus les paris sont ouverts. D’ailleurs les commentateurs en perdent leur latin. Dans La Presse d’aujourd’hui (ces lignes sont écrites le 15 mars), André Pratte et Alain Dubuc y vont à quelques colonnes de distance de supputations contradictoires. Le premier écrit que la principale faiblesse de M. Sabia, c’est de n’avoir « aucune expérience dans l’industrie financière » ; le second affirme que « l’idée de mettre à la tête de la Caisse quelqu’un qui ne vient pas du monde de la finance n’est pas mauvaise. »
M. Charest semble prendre plaisir à semer le doute. Bien installé en selle pour les prochains quatre ans, il peut certes cultiver l’impopularité, car il ne risque pas d’être jeté à bas de sa monture quelles que soient les secousses qu’il provoque dans l’opinion publique. Devant un tel comportement, le citoyen que je suis demeure perplexe. Les raisons sont obscures, pour lesquelles M. Charest tient à transformer son règne pépère en véritable rodéo.
(1) Philippe Gervais, «La caisse comme la navette », La Presse, 14 mars 2009.
(2) Eugène Ionesco, « Le mirage de la Révolution », Il Giornale, juin 1975.
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