Amir Khadir et Françoise David prétendent, après bien d’autres, nous faire dépasser le capitalisme. Le dépasser pour aller nous écraser contre un platane ? Qu’appellent-ils « capitalisme » ? Les fautes reprochées au capitalisme, comme la pollution, ne sont-elles pas présentes dans toutes les sociétés industrielles, y compris les sociétés socialistes ? Méfiant, je n’ai pas oublié que les solutions proposées et pratiquées depuis un siècle par les ennemis du capitalisme ont toutes échoué.
Curieux, je découvre dans la revue Argument une définition tirée d’un ouvrage de Samuel Bowles. Le régime capitaliste est « un régime où la forme prédominante de l’organisation économique est l’entreprise, organisation dans laquelle les propriétaires privés de certains moyens de production contractent avec les propriétaires des autres intrants (y compris le travail) pour produire des biens et services dans le but de les vendre avec profit, prennent la responsabilité pour les opérations, exercent leur droit à encaisser le profit ou à subir la perte qui peut s’ensuivre.(1) » Capitalisme, économie de marché, libéralisme économique, voire néolibéralisme, c’est la même chose et c’est ça qu’il faudrait dépasser. Impression de déjà-vu.
Quel que soit le nom qu’on lui donne, ce n’est pas d’aujourd’hui que le capitalisme est dénoncé. À l’occasion du krach de la Bourse de New York et de ses suites « le libéralisme fut remis en question par des groupes qui voyaient dans la crise économique la faillite du système capitaliste. Socialistes, communistes, fascistes fustigèrent tour à tour l’idéologie libérale. Au Québec en particulier, compte tenu de la forte identification du libéralisme aux anglophones qui contrôlaient une part importante de l’économie, le corporatisme inspiré de l’Église a trouvé un terrain fertile (2). »
Qui a écrit que « le communisme comme formule de production économique et d’organisation sociale, contient un élément de générosité qui manque au capitalisme » ? Je vous le donne en mille : Gérard Filion, le 16 juillet 1949 dans Le Devoir. Gérard Filion, qui deviendra plus tard directeur général de la SGF ! M. Filion a de nombreux petits amis chez Québec solidaire.
Qui a dit ? : « C’est ce capitalisme [dénoncé par L’Osservatore Romano comme aussi mauvais que les péchés contre nature] qui est la cause de toutes nos misères. Nous devons travailler contre, non pas pour le transformer, il est intransformable ; non pas pour le corriger, il est incorrigeable [sic], mais pour le remplacer. » Réponse : Mgr Philippe-Servule Desranleau, archevêque de Sherbrooke, devant un auditoire syndical lors de la Fête du Travail en 1949. Ne croirait-on pas entendre le tandem Khadir-David ?
Les plaisantins qui annoncent, souhaitent ou préparent la sortie du « capitalisme », rejettent la pensée et la société libérales. Leurs tirades contre l’individualisme dégagent d’ailleurs un parfum délétère fleurant le totalitarisme. Obnubilés par les ratés du système financier, passant sous silence les leçons du passé, ces bonnes âmes nieront vouloir en arriver aux mêmes résultats désastreux que provoquèrent il n’y a pas si longtemps les expériences fascistes, socialistes, ou communistes. Grossière illusion : « Précisément parce qu’il n’existe pas de société économique pure, toute organisation scientifique de l’économie porte en soi l’affirmation d’une mystique — c’est-à-dire un credo d’État qui heurte aussi la vie intérieure, et de même que l’organisateur doit éliminer toute hétérodoxie économique, de même il devra éliminer toutes les hétérodoxies intérieures. La société tout entière contrôlée économiquement et tout entière libre spirituellement, est une contradiction (3). »
Cette réflexion datée du 24 février 1940 conserve toute sa valeur soixante-neuf ans après avoir été écrite. Aujourd’hui encore, la menace est réelle : Québec solidaire ne propose-t-il pas que « le Québec s’engage dans la voie d’une redéfinition des rapports entre les êtres humains (4) » ? On a beau savoir que Khadir et David sont les héritiers de l’inoffensif Mgr Desranleau, qu’ils n’ont absolument aucune chance d’exercer un jour le pouvoir, que leur manifeste est pur délire d’interprétation débouchant sur quelques voeux pieux, voilà qui donne quand même froid dans le dos!
(À suivre...)
(1) Gilles Paquet, « Le capitalisme : ni fatalité, ni réalité... fata morgana peut-être ? », Argument, Vol 11, No 2, printemps-été 2009, p. 50.
(2) Claude Couture, Le mythe de la modernisation du Québec, Montréal, Éditions du Méridien, 1991, p. 10-11.
(3) Cesare Pavese, Le métier de vivre, Paris, Gallimard, 1958.
(4) Manifeste de Québec solidaire, p. 9.
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