Depuis plus d’années dont je me souvienne, je dénonce l’ambiguïté sémantique imposée par les leaders indépendantistes québécois qui insistent et persistent, sciemment, à n’utiliser que le mot « souveraineté » lorsqu’ils réfèrent à leur projet de faire sécession du Canada.
Cette volonté incessante d’occulter la perspective d’une rupture a de tout temps été utilisée par les séparatistes québécois en vue de leurrer leurs concitoyens qui, sondage après sondage depuis près de 40 ans, refusent dans une large proportion d’adhérer à cette option lorsque la question leur est clairement posée.
Devant leur incapacité continue de convaincre les électeurs du bien-fondé de leur projet, les leaders du mouvement sécessionniste ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour l’édulcorer. Pour ce faire, ils ont notamment recouru à cette astuce brumeuse qu’est la « souveraineté-association » et au mirage d’un « partenariat » avec un Canada scindé pour maintenir le voile sur leurs véritables intentions et espérer que les Québécois en soient dupes tels des «homards en cage». En effet, on note systématiquement des différences marquées d’environ 15% à 20% entre les deux « options » selon le libellé des questions sondées.
Comme le disait avec justesse Laurent-Michel Vacher dans son livre publié en 2001 intitulé « Une triste histoire », se prononçant « contre la confusion souverainiste » :
« La pure et cruelle vérité que tous faisaient semblant d’ignorer, c’était que si le « projet souverainiste » voulait dire sécession et indépendance, il s’agissait d’une insincérité peu reluisante, et si cela signifiait seulement une meilleure reconnaissance ou une plus large autonomie au sein d’une « nouvelle confédération », il s’agissait également d’une navrante tromperie. »
Or, quelle ne fut pas ma surprise d’entendre Bernard Landry le week-end dernier déclarer qu’il lui paraissait maintenant impératif « d’utiliser les bons mots » et de mettre au rancart le mot « souveraineté » pour le remplacer par « indépendance ». Ironie absolue, les créateurs de l’illusion la dénoncent maintenant comme un euphémisme de mauvais aloi… « Cachez ce sein que je ne saurais voir »…
La « triste histoire » n’est pas tant l’hypocrisie des leaders séparatistes qui ne reculent jamais devant rien, on le sait, mais plutôt que la profession journalistique en soit devenue une complice aussi complaisante. En effet, dans leurs articles qui traitent des volontés sécessionnistes du Québec au Canada, l’immense majorité des journalistes canadiens, tant au Québec qu’ailleurs au pays, optent presqu’exclusivement pour le terme « souverainiste », sans guillemets, comme s'il s'agissait d'un vrai terme, acceptable autrement que par une abdication devant une propagande partisane.
Comme l’affirmait aussi Vacher : « Pendant ce temps, quiconque réclamait davantage de clarté était rejeté avec sarcasmes dans la phalange honnie des traîtres et des «fédérastes»».
La reddition aura été telle que la nomenclature est aujourd’hui devenue quelque chose de quasi intouchable. Le professionnalisme et la transparence auraient pourtant commandé à tout le moins des guillemets, ou encore quelque admonition devant un jargon d’une partisannerie aussi primaire.
Assez ironiquement, on constate que lorsque ces mêmes journalistes font état de débats similaires hors du Canada, ils utilisent volontiers les vrais termes, compris de tous, comme la "sécession", la "séparation" et l’ “indépendance", ce qui est la réalité brutale et objective de la finalité de tels mouvements partout à travers le monde, incluant le Québec. On n'a qu'à se référer aux mouvements séparatistes en Tchétchénie, au Pays Basque, en Ecosse, en Corse ou au Kosovo pour constater qu’ils partagent les mêmes velléités et tous, sauf les séparatistes québécois, «utilisent les vrais mots».
Maintenant que la tartufferie a été démasquée par ses propres géniteurs, les medias ne devraient plus hésiter à utiliser des termes clairs comme ceux utilisés par la Cour suprême du Canada dans son arrêt "Renvoi sur la sécession du Québec", et ne plus recourir à des concepts délibérément ambigus comme la "souveraineté" pour décrire un enjeu aussi important.
Bernard Amyot est un avocat et ancien Président national de l’Association du Barreau canadien
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