Pour un coup médiatique, c’en est un! C’est en ces quelques mots, que la déclaration de l’ancien Président américain, Jimmy Carter, peut être résumée après sa visite à Damas. En réalité, à regarder de très près, un observateur initié au « machiavélisme » de la famille Assad peut déceler une stratégie damascène des plus brillantes pour retrouver une place de choix sur l’échiquier politique régional et s’asseoir de nouveau sur la table de négociation avec les grands.
En effet, selon Carter, le Hamas accepterait l’existence d’une entité israélienne voisine à un État Palestinien, si ce dernier est établi sur les territoires d’avant 1967. Or, Khaled Machaal, le leader de Hamas en Syrie avec qui Jimmy Carter s’est réuni, affirme plus tard que cela ne veut pas dire qu’il reconnaîtrait le droit d’Israël à l’existence. Ce qui vient remettre un grand point d’interrogation sur les déclarations de Carter qui a pourtant déclaré que le Hamas considèrerait les accords signés par le Président palestinien Mahmoud Abbas. Faut-il alors voir dans cette déclaration une stratégie pour situer les éléments de Hamas aux portes de Jérusalem pour un « assaut » final sur l’entité hébraïque? Ou y’a-t-il derrière ces déclarations une volonté syrienne de changer un certain statu quo en sa faveur?
À analyser de plus près, l’on peut discerner un stratagème « assadien » pour court-circuiter les tentatives de l’actuelle administration américaine de mettre au pas le Président syrien. En effet, la mise en place du tribunal international – dont le Liban exige son établissement pour condamner les assassins de l’ex-premier ministre libanais Rafic Hariri ainsi des autres politiciens et journalistes assassinés par les services secrets syriens et leurs sbires au Liban – semble s’approcher à grands pas. D’où cette manœuvre syrienne d’attirer l’attention sur l’utilité de la présence de ce régime syrien et surtout de sa survie, si Washington tenait à trouver une solution à la crise entre Palestiniens et Israéliens.
Pourquoi Carter?
Le fait que ce soit le récipiendaire du prix Nobel de la paix pour avoir réussi à trouver une issue à la crise entre l’Égypte et Israël qui, par la suite, a abouti en 1978 à la signature des accords de paix à Camp David en 1978, est en soit un crédit international incontestable du sérieux de la démarche. Or, selon de nombreux observateurs arabes, il ne s’agit que de la poudre aux yeux brillamment utilisée par Damas pour faire parvenir un message de l’utilité de sa survie. En effet, Assad tente de jouer sur le facteur temps pour regagner une place de choix dans un climat où tout porte à croire que Washington prend plus au sérieux l’Iran que la Syrie. D’ailleurs, la présence chiite au Liban et dans l’ensemble des autres pays arabes sunnites présente une tête de pont très avancée pour l’Iran que Washington ne peut pas prendre à la légère. Et comme l’a bien noté la presse arabe, la décision de Hamas est plus prise à Téhéran qu’à Damas. Quant à Assad, il est cantonné à son propre territoire avec quelques antennes de terroristes en Irak, et au Liban, ce qui fragilise énormément son standing dans la région et dans la rue arabe qui prise actuellement le Hezbollah pro-iranien pour « ses exploits » plutôt que la Syrie !
Ainsi, utiliser la crédibilité de Carter pour signifier à l’administration américaine qu’il y a de sérieuses chances pour une paix entre le Hamas et Israël servirait avant tout les intérêts du régime syrien. C’est également un message à l’électeur américain pour lui démontrer que seul les Démocrates réussissent à trouver une solution de paix alors que les Républicains sont toujours accès sur la guerre. Ce faisant, Assad tente de jouer « machiavéliquement » sur l’opinion publique américaine dans l’espoir de voir son schéma aboutir et sa survie prolongée.
Le mensonge de Hamas
Quant au Hamas, le fait d’accepter qu’un État Israélien ou qu’une entité israélienne puisse exister est en soi une négation de sa raison d’être, car la Charte du Hamas nie même le droit de l’existence d’une telle entité et dit clairement qu’elle est vouée à sa destruction. Et même si l’on considère que le Hamas veuille bien accepter la présence d’un tel État israélien à côté d’un État palestinien, si ce dernier est fondé sur le territoire d’avant 1967, cela serait alors interprété comme s’il renonçait aux terres qu’il avait toujours considérées comme étant palestiniennes, à savoir les terres de 1948! Ce faisant, le Hamas perdrait alors toute légitimité d’existence aux yeux de ses supporteurs. Quid également de la question des « réfugiés » palestiniens et leur « droit au retour » qui pour la plupart —du moins selon toutes les précédentes déclarations du Hamas —incluaient les territoires perdus en 1948 lors de la « Nakba »?
D’où le présent constat de dire que cette manœuvre syrienne par la bouche des représentants du Hamas n’est autre que pour gagner du temps et pousser la Syrie à reprendre un rôle dans le cadre des tentatives américaines actuelles pour trouver une sortie à la crise entre Palestiniens et Israéliens. Le choix de Carter n’est donc pas innocent, et Damas démontre encore une fois le sadisme de son dirigeant car il a réussi à faire dire à un prix Nobel de la paix que sans la participation du Hamas mais surtout de la Syrie aux négociations de paix, cette dernière est loin d’y aboutir.