Lorsque l’information est tombée, ma première réaction était de la vérifier pour voir si les agences de presse ne s’étaient pas trompées – bien que rares sont les erreurs de ces dernières, voire impossible – en annonçant qu’un hélicoptère de l’Armée libanaise avait été abattu au dessus d’une zone contrôlée par le Hezbollah au Sud Liban. Hélas! l’information était correcte et un hélico de l’armée libanaise avait bel et bien été « forcé » d’atterrir selon les premiers rapports. Or, ce qui est étrange dans cette affaire, ce sont les explications fournies aussi bien par le Hezbollah que par l’armée libanaise.
En effet, le communiqué de l’armée s’est contenté de présenter l’information dans ses faits… mais pas tous, en attendant l’enquête sur le terrain. Quant au Hezbollah, il a promis une coopération « sans faille » pour faire la lumière sur « ce regrettable incident » où un « hélicoptère de l’armée a été pris par erreur pour un hélicoptère israélien » !!! Le Hezbollah a ajouté qu’il « livrera la personne responsable de cet incident à la justice libanaise ».
Des questions qui en
soulèvent d’autres, plus graves
À analyser de près cet incident, un observateur averti poserait plusieurs questions en tentant d’obtenir des éclaircissements plausibles à une telle affaire. Parmi ces questions, l’on peut répertorier les suivantes :
Qu’est-ce qu’un hélicoptère de l’armée faisait au dessus d’une région très sensible entièrement contrôlée par le Hezbollah et une zone où l’armée israélienne avait eu du mal à accéder durant la guerre de juillet 2006?
Comment une milice comme celle du Hezbollah, qui se prétend capable de détruire une armée sophistiquée comme celle de Tsahal, qui a annoncé être capable de mettre « l’ennemi à genoux » et « d’éradiquer ses espions libanais sur le sol libanais » a pris un hélicoptère GAZELLE (SA-341) libanais et visible en tant que tel pour un hélicoptère israélien ?
Comment une milice voire une armée comme celle du Hezbollah, qui clame haut et fort qu’elle est capable de repousser toute « invasion » israélienne et/ou américaine, présente la personne qu’elle a remise à la justice libanaise comme étant le responsable de cet incident en le décrivant comme ayant été victime de « panique ». Ce qui l’a conduit à tirer avec son fusil d’assaut sur l’hélico ! Quatre balles seulement, forçant l’hélico à atterrir, tuant le pilote et blessant le copilote ?
Que dire des autres occupants de l’hélico, qui, semble-t-il, avaient été tabassés après, malgré qu’ils s’étaient identifiés aux miliciens du Hezbollah comme étant de l’armée libanaise ? Que dire alors des informations, qui restent toujours à vérifier, que le capitaine Samer Haddad, pilote de l’hélico. aurait été exécuté sommairement après que l’un des miliciens lui avait demandé de s’identifier?
Plusieurs autres questions hantent actuellement aussi bien les Libanais que la classe politique plus divisée que jamais, malgré un semblant d’union autour d’un nouveau gouvernement censé trouver une solution aux problèmes du pays. Or, examinées sous tous les angles, ces questions portent en elles plus de mystères que la zone survolée par cet hélico.
De spéculations en explications,
la vérité est masquée
Ainsi, il serait plausible d’apporter une explication logique à ce qui s’est réellement passé, conscient du fait que cela peut également être considéré comme une spéculation. Mais les choses sur place étant ce qu’elles sont, la chance que ce scénario ce soit réellement produit nous semble plus proche de la réalité que ce que le Hezbollah essaie actuellement de faire miroiter au public libanais et arabe.
Tout d’abord, la région connue sous le nom de « Tallet (Colline de) Soujod » est l’une des régions les plus militairement sensibles pour le Hezbollah où il tient une présence active et très discrète. C’est une zone hautement militarisée mais invisible à l’œil de l’observateur de la FINUL, car elle est en dehors de la région qu’il supervise. Ensuite, le Hezbollah savait que, depuis quelques jours, l’armée libanaise effectuait des entraînements, d’autant plus que les instances militaires du Hezbollah avaient été informées de ces derniers. Or, il semblerait que cette zone ait été interdite d’accès même à l’armée car elle est considérée comme une zone très sensible et, probablement, comme une forteresse militaire de laquelle les « surprises » contre Israël partiront. En effet, nul n’ignore la capacité militaire actuelle du Hezbollah et son armement plus que sophistiqué que l’Iran, la Syrie et la Russie mettent à sa disposition. Ainsi, le fait que l’hélico se serait dangereusement approché d’un des sites d’enfouissement éventuels ou d’installations de tels équipements militaires pourrait bel et bien être à l’origine de cet incident.
À cela s’ajoute la seconde question principale, celle de savoir pourquoi (ou comment) le pilote a été tué. Selon les premières explications contradictoires fournies, le pilote aurait été tué en vol. Or les médias libanais, notamment L’Orient-Le-Jour, rapportent que le pilote aurait été exécuté de sang froid après l’atterrissage du véhicule. Selon cette version, l’un des assaillants aurait demandé au pilote son nom comme pour s’assurer de son identité avant de l’exécuter froidement, laissant le corps gisant dans son sang pendant des heures et pendant que les autres occupants étaient tabassés, comme pour envoyer un message clair à l’armée libanaise.
Un message « clair » à l’armée
Ainsi, le Hezbollah semble vouloir marquer son territoire aérien également comme zone interdite même à l’État libanais, confirmant ainsi sa position d’hégémonie sur non seulement la politique libanaise, mais également sur son armée.
La remise d’un jeune militant du Hezbollah à la justice libanaise, en le présentant comme l’auteur de cet « incident regrettable », pour avoir « pris par erreur » des soldats libanais pour des « Israéliens », ne peut être considérée par les observateurs que comme une mascarade visant à étouffer rapidement cette affaire qui a soulevé le colère populaire, notamment chez les Chrétiens après l’exécution de l’un des leurs, le pilote Samer Hanna.
Ce précédent est un message à prendre très au sérieux par l’État-Major de l’armée avec son nouveau chef, le Général Jean Kahwaji, qui s’était illustré en 1990 par son opposition à l’invasion syrienne alors qu’il était un des officiers supérieurs de la 10ème Brigade héliportée de l’armée, une troupe d’élite qui avait payé le plus lourd des tribus après que l’ordre lui ait été donné par le général Aoun, premier ministre par intérim à l’époque, pour baisser les armes et répondre aux ordres du Général Émile Lahoud, commandant en chef de l’armée à l’époque. Ceci avait résulté en l’exécution de plusieurs centaines de ses officiers et soldats aux mains de l’armée d’occupation syrienne.
Et la question demeure : est-ce réellement un incident regrettable ou une nouvelle campagne pour la prise de contrôle de l’ensemble des institutions du pays par le Hezbollah, l’Iran et la Syrie ? Les jours à venir pourraient éventuellement fournir une réponse à cette question, à condition toutefois que les politiciens libanais et le nouveau commandant en chef de l’armée aient le courage d’avouer la vérité… et de l’afficher au grand jour.