Avec le réveil de la nature québécoise et la dégelée que semble prendre l’ADQ, il était tout à fait idoine pour Pauline Marois de tenter de remettre la souveraineté à l’ordre du jour plutôt qu’aux calendes grecques où l’idée semblait avoir été justement reléguée. Les saisons passent, y compris la puérile «Saison des idées» de Bernard Landry d’il y a quelques années, mais même en ce printemps assez calme certains faits demeurent inchangés : pour Pauline Marois, ne pas parler de souveraineté eût été un suicide politique, et ce même en l’absence de querelles entre l’État fédératif et l’État fédéré.
Néanmoins, devant le manque d’enthousiasme patent de la population envers l’option indépendantiste, il convient de se demander si le Parti québécois ne souffrirait pas en ce moment d’Hillary-Clintonite aiguë, cette pathologie transmissible politiquement et dont le principal symptôme consiste en un premier temps en la persistance à emprunter une voie impraticable et, dans un deuxième temps, à rester dans le déni total vis-à-vis un échec pourtant éminemment observable par tous. Il n’en demeure pas moins que la principale intéressée aura su s’en curer avant le Parti Québécois.
Soyons clairs : loin de moi l’idée de prédire la mort du mouvement souverainiste. La passion qui anime le pourcentage non négligeable de nos concitoyens qui favorisent cette option est manifeste. Ils sont en politique car ils ont des croyances claires auxquelles ils tiennent mordicus. Ils sont inlassables et n’en démordent pas. S’ils n’abandonnent pas et continuent à se battre, c’est que les passions restent intenses et, surtout, elles sont dures à faire mourir. Comme le chantait Brel, c’est dur de mourir au printemps…
Or, si le discours souverainiste ne réussi à rejoindre la masse critique nécessaire, ce n’est pas que pour des raisons de forme. Il faut voir comment s’articule ce discours et autour de quels pôles il gravite. Nos prophètes de l’indépendance s’époumonent à nous répéter que la liberté passe par la souveraineté. Comme si les québécois étaient une masse opprimée qui n’attendrait qu’on la libère du joug du tyran castrateur de nos aspirations les plus nobles et impératives, aussi appelé « carcan constitutionnel » afin de jouer la carte de la rectitude politique. Le problème fondamental de ce discours tient à son pessimisme notoire et à la dichotomie quasi marxisante qu’il contient : d’après ses adeptes, le Québécois, à l’instar du prolétaire, est la pauvre victime d’une oppression arbitraire. Dans toutes les nouvelles incarnations du « projet national », on trouve aussi cette peur de l’assimilation et cette manie de blâmer l’Autre (le gouvernement fédéral, qui d’autre ?) pour ses propres inaptitudes à gérer convenablement l’État québécois.
On en a soupé de ce discours défaitiste et tourné vers le passé ! La terre d’Amérique est, depuis la colonisation, une terre d’espoir pour ceux qui n’ont pas froid aux yeux et qui espèrent un avenir meilleur. Nos ancêtres sont arrivés ici et, contre vents et marées, ils ont survécu à la rigueur de nos hivers et mené leur vie en faisant des besognes demandant courage et endurance. Ils n’étaient pas d’éternels pessimistes, mais bel et bien des gens qui regardaient droit devant. Est-ce bien là le genre de personnes susceptibles d’être rejointes par des discours victimisateurs ?
Pour de tels motifs, il semble improbable que Pauline Marois réussisse à tenir une «discussion nationale». Il serait plus approprié de parler d’un « soliloque national, » les arguments de l’un se basant sur une peur de plus en plus irrationnelle ainsi que sur un nationalisme exalté, et les arguments de l’autre appelant plutôt à la raison. D’ailleurs, comment le Parti québécois pourrait-il avoir une discussion d’égal à égal avec les fédéralistes lorsqu’il prend pour acquis que ceux-ci n’ont pas été en mesure de comprendre l’argumentation qu’ils mettent pourtant de l’avant depuis des décennies ? On aurait pu croire qu’avec les défaites référendaires et électorales, avec aussi les sondages négatifs, Marois et ses acolytes sont à même de constater que le problème ne réside pas que dans la «pédagogie» souverainiste.
Nos chantres et imams de l’orthodoxie séparatiste peuvent bien souffler le chaud et le froid sur notre paysage politique, la majorité des Québécois n’en demeurent pas moins de glace devant leur prêchi-prêcha nationalistes. À un moment où l’économie mondiale vacille, il semblerait adéquat d’actualiser le discours public afin de le mettre au goût du jour. Avec un peu de chance, la « conversation nationale » ne durera que quelques semaines et Camus aura eu tort en affirmant que l’automne est un second printemps.