The Métropolitain

Il ne faut pas exagérer la « flat tax »

Par Vincent Geloso le 6 août 2009

Le candidat à la chefferie de l’Action démocratique du Québec, Jeff Plante, a déclaré son adhésion à la “flat tax” à plusieurs reprises sur sa radio internet.  Récemment, il est sorti dans Le Soleil et a défendu la « flat tax » à nouveau.  L’idée peut avoir ses charmes, mais il faut la mettre dans le contexte québécois pour constater que ses effets seraient minimes voire indésirables.

 

Qu’est-ce-que la « flat tax »?

En premier lieu, une « flat tax » c’est un système fiscal à un taux d’imposition unique.  Donc, au lieu d’avoir trois taux d’imposition qui s’appliquent à des tranches de revenu différentes, nous aurions un seul taux pour tous et accompagné d’une base non imposable.  Donc, si nous avions un taux de 20% et une base non imposable de $10,000, un individu qui gagnerait $11,000 serait taxé seulement sur les $1 000 dépassant la base non imposable.  Cet individu verrait seulement 1.8% de son revenu envoyé à Québec, contrairement à 16% pour quelqu’un qui fait $100,000.  Plus on gagne, plus on se rapproche du taux de 20%.  En plus, c’est un système très simple à administrer. Certains éléments de la littérature en économie sont favorables à l’idée, surtout si elle s’accompagne d’un taux relativement bas. 

 

Les erreurs de ses défenseurs

Les défenseurs du taux d’imposition unique citent les exemples de Hong Kong, l’Estonie, la Lithuanie, l’Île Maurice et la Russie et leurs taux de croissance économique pour justifier leur idée.  En soit, la croissance de ces pays est spectaculaire si on compare à leurs points de départ. Hong Kong était une île sans ressources naturelles, seulement un port naturel à eau profonde.  La Lituanie, l’Estonie et la Russie étaient des pays anciennement communistes qui ont été mis à terre économiquement par le régime et l’Île Maurice était une île pauvre isolée au milieu de l’Océan Indien.  Néanmoins, attribuer le taux d’imposition unique comme étant la cause de leur croissance est déplacé.  Des politiques comme la protection des droits de propriété, le libre-échange, une politique de stabilité monétaire et les privatisations des sociétés d’État  ont dû contribuées davantage. La mondialisation est sûrement le facteur le plus important. La théorie de la convergence des économies nous laisserait croire qu’advenant des bonnes politiques publiques (l’ouverture économique) ces économies auraient des taux de croissance plus rapides au début de leur développement.  Quant à la Russie, le prix des ressources naturelles – dont le pétrole – est probablement à lui seul quelque chose de plus important pour la croissance que le taux de taxation unique. Le taux d’imposition peut avoir contribué à la croissance, il y a des débats sur cela entre les académiques, mais vous admettrez qu’il est difficile de transposer ces exemples sur le cas du Québec.

Ensuite, il faut aussi considérer que l’implantation d’un taux unique d’imposition va plus loin que de n’avoir qu’un seul taux.  En soit, un taux unique n’impliquerait qu’un changement d’une seule ligne du code fiscal de notre province.  Le reste du code fiscal, c’est les multiples crédits d’impôts.  Et nous n’avons pas besoin d’un taux d’imposition unique pour mettre en question la pertinence de plusieurs crédits d’impôts. La simplicité n’est pas exclusive au taux unique.  Elle peut le demeurer dans un système à plusieurs taux. 

Par ailleurs, le niveau de taxation est important.  Un taux unique trop élevé pourrait probablement nuire à la croissance économique.  C’est l’idée que le taux soit bas qui rend attrayante cette idée. Mais comme c’est le cas avec les crédits d’impôts, les bas niveaux de taxation ne sont exclusifs au taux unique. Il est possible de maintenir les trois taux actuellement en vigueur mais de les baisser. 

Finalement, dans le cadre fédéral actuel, je questionne l’efficacité qu’aurait un taux d’imposition unique.  Le Québec aurait un seul taux d’imposition alors que le fédéral en aurait plusieurs. 

La « flat tax » est une bonne idée théoriquement, mais dans l’univers politique son application risque de coûter chère aux gens qui en font la défense sans rapporter grand-chose aux contribuables.  Si on veut stimuler la croissance économique, il serait plus simple de questionner la pertinence de certains crédits d’impôts et voir comment on peut dégager la marge de manœuvre nécessaire pour baisser les taux présentement en vigueur.  Le tout est beaucoup moins controversé et serait tout aussi bénéfique.