Dans l’édition du Métropolitain du 27 novembre dernier, je présentais les grandes lignes des tactiques appliquées par la GRC pour contraindre, en laissant planer des menaces graves, des innocents à s’auto-déclarer coupables de crimes violents. La cause de Sebastian Burns et d’Atif Rafay (voir www.rafayburnsappeal.com), par laquelle j’ai pu illustrer ces méthodes policières plus que douteuses, comporte également l’implication potentielle d’un groupe islamiste relativement peu connu, nommé Al Fuqra, une organisation désignée en 1999 comme terroriste dans un rapport du Département d’État américain, intitulé Patterns of Global Terrorism (pour plus d’informations, voir www.alfuqraexposed.com). Mais, malgré des indices crédibles et des pistes très solides ayant surgi au tout début de l’affaire Burns-Rafay, les corps policiers américain et canadien concernés n’auront procédé à aucune enquête sérieuse, ce qui fait que nous ne sommes pas encore habilités à mesurer l’implication d’Al Fuqra dans cette affaire.
Tariq et Sultana Rafay, victimes des meurtres pour lesquels leur fils Atif et son ami Sebastien Burns ont été injustement accusés, étaient des personnalités influentes au sein de la communauté musulmane de la côte Ouest. Ingénieur, Tariq Rafay avait notamment été le président et fondateur de la Canada-Pakistan Friendship Association, une organisation aux vues religieuses et politiques libérales et modérées. Son épouse, Sultana, était quant à elle connue pour ses enseignements du Coran. Le couple Rafay se distingua avec le temps comme deux « hérétiques » aux yeux de ceux qui prônent une vision extrémiste et fanatique de l’Islam : Sultana pour, en tant que femme, avoir osé enseigner l’Islam, ce qui constitue une abomination selon les islamistes, et Tariq, pour avoir notamment créé un programme informatique qui montrait qu’en Amérique du Nord, les Musulmans, durant leurs prières, n’étaient pas réellement tournés vers la Mecque, ce qui provoqua les fureurs de certaines branches islamistes.
Le fait a été plus d’une fois avéré que des menaces de mort avaient été proférées à l’encontre de Tariq Rafay par des leaders religieux islamistes. Entre plusieurs autres témoins crédibles, deux informateurs de la police, l’un agissant auprès de la GRC et l’autre auprès du FBI, avaient rapporté avoir entendu des leaders islamistes appeler à la mort de M. Rafay. Le rapport du FBI (dont j’ai copie) indique d’ailleurs les noms, adresses, numéros de téléphones, numéros de plaque d’immatriculation, d’une liste d’individus ayant été associés à ces menaces. Tel que mentionné dans le rapport du FBI, il s’agit de membres ou sympathisants d’une organisation islamiste terroriste nommée Al Fuqra, qui se caractérise par l’assassinat des personnes de foi musulmane considérées comme hérétiques aux yeux des éléments fondamentalistes de cette croyance religieuse. Dans son livre intitulé Qui a tué Daniel Pearl ? (éditions Grasset, 2003), le célèbre auteur français Bernard-Henri Lévy consacre d’ailleurs tout un chapitre à la description de cette organisation, notamment connue pour avoir été derrière l’assassinat de plusieurs personnes au Canada et aux États-Unis. On se souvient que le journaliste Daniel Pearl, du Wall Street Journal, avait été kidnappé et atrocement assassiné alors qu’il enquêtait au Pakistan sur cette organisation terroriste.
Deux jours après le meurtre de la famille Rafay, le 14 juillet 1994, la police de Bellevue, qui enquêtait sur le crime, avait été mise au courant par le FBI de la forte possibilité que les victimes aient été assassinées suite à un ordre exprès des dirigeants d’Al Fuqra. Mais le détective chargé de l’enquête, Bob Thompson, n’entreprit aucun suivi des pistes qui lui avaient été expressément livrées par nuls autres que ses collègues de la police fédérale américaine. Donc, aucune enquête n’a été effectuée, personne n’ayant été interrogé ni même contacté parmi les individus dont les noms et coordonnées personnelles se trouvaient sur la liste fournie par le FBI.
Thompson, dont le grave degré d’incompétence tout au long de cette affaire se sera révélé tout à fait scandaleux, aura préféré désigner en tant que seuls suspects ceux qui étaient à sa portée immédiate, c'est-à-dire ceux qui ont les premiers découvert la scène du crime, soit Atif Rafay et Sebastian Burns. Comme autre indice de l’incompétence de Thompson, on peut d’ailleurs relever un fait s’étant déroulé en 2001, soit sept ans après les meurtres : les avocats de Sebastien Burns venaient alors tout juste de découvrir l’existence d’un rapport de la GRC, rédigé en 1994 et dont Thompson était au courant depuis ce temps, qui mentionnait qu’un individu proche des milieux islamistes avait affirmé s’être fait proposer un contrat en vue d’assassiner Sultana et Tariq Rafay. Or en 2001, Thompson n’avait pas encore ne serait-ce qu’essayer de contacter cet individu. Mais, pris au dépourvu par la découverte des avocats, Thompson s’est aussitôt précipité à Vancouver pour rencontrer l’individu en question, dont on ne sera pas surpris d’apprendre que, sept ans après le crime, il n’aura rien su tirer. À lui seul, ce fait, qui n’est pas unique dans le genre dans toute cette affaire, autorise donc, dans la cadre d’un crime aussi grave, à remettre sérieusement à remettre en question la compétence de Bob Thompson en tant que responsable de l’enquête policière.
Malgré donc le fait que, en plus de très solides preuves circonstancielles qui plaçaient Atif et Sebastian ailleurs au moment où les meurtres ont eu lieu, toutes les preuves matérielles trouvées sur la très sanglante scène du crime (ADN, empreintes digitales, examens corporels minutieux des deux jeunes hommes, etc.) disculpaient entièrement et hors de tout doute Atif et Sebastian, le détective Thompson aura plutôt choisi de prendre les moyens requis pour que des preuves soient de toute pièce fabriquées contre les deux jeunes hommes. En effet, c’est après leur retour chez eux, à Vancouver, qu’Atif et Sebastian furent l’objet de l’opération « Mr. Big » sous les soins de la GRC, après que Thompson ait fait appel aux services de cette dernière dans le but de faire accuser les deux jeunes hommes du crime crapuleux ayant eu lieu à Bellevue le 12 juillet 2004. Et puisque quiconque se voit assujetti à ce type d’opération policière ne peut en bout de ligne que passer aux « aveux », compte tenu des menaces de mort à peine voilées employées par les policiers agissant sous le couvert de caïds du crime organisé, l’arrestation et la mise en accusation de Rafay et Burns purent avoir lieu.
Suite à l’extradition de ces derniers du Canada vers les États-Unis, un procès fut tenu en 2004 à Seattle. Le juge, Charles Mertel (dont la bêtise et l’incompétence se seront révélées proverbiales), avait carrément interdit aux avocats de la défense d’évoquer durant le procès, et de quelque manière que ce soit, les faits relatifs à Al Fuqra. Les mots parlant par eux-mêmes, voici en quels termes, totalement incohérents sinon aberrants, le juge Mertel annonça sa décision à la Cour :
“It just simply would require too much speculation, I guess, as the cases indicate, as to motive, opportunity, and connection, and it - well, I guess that is about all I can say in that analysis. There doesn't seem to be any motive - well, no, that's not true. The motive would be the disagreement over religious interpretations of the Koran would be as the motives urged by this court. Much beyond that, I simply can't satisfy any of the other criteria. The FUQRA is also to be excluded, Mr. Robinson, but thank you for clarifying that, so that nobody was misled, because I did not mention that group called, and I am sure I am not even pronouncing it correct correctly, FUQRA, or whatever.”
C’est donc dans de telles conditions que la défense se vit privée du droit de présenter des faits qui, loin d’être fantaisistes et ayant été fournis par le FBI lui-même, auraient pu permettre au jury de considérer le fait que les meurtres auraient pu avoir été perpétrés par d’autres personnes que les deux accusés. Or, tout ce que les jurés auront pu voir pour fonder leur verdict, c’est une courte bande-vidéo du passage aux « aveux » tel qu’orchestré par la GRC, ceci sans que, bien entendu, l’épisode d’intimidation psychologique et de menaces physiques proférées par les agents aient, quant à elles, été entendues et vues par les mêmes jurés. C’est donc au terme d’un procès qui s’est déroulé dans des conditions aussi injustes que, sans grande surprise, Atif Rafay et Sebastian Burns se sont vus infliger un verdict de culpabilité, pour ensuite être condamnés à l’emprisonnement à perpétuité. La cause est toutefois en appel, et il faut espérer que justice sera enfin rendue à ces deux victimes des révoltantes méthodes employées par la GRC contre eux.
En janvier 2003, un autre assassinat eut lieu, cette fois dans la région de Vancouver. La victime, Riasat Ali Khan, fut la cible d’une rafale de coups de feu dans le stationnement de sa résidence. M. Ali Khan était une personnalité très connue en Colombie-Britannique, ayant notamment été très impliqué en tant que militant en vue du parti libéral du Canada ; plusieurs ministres et députés libéraux fédéraux assistèrent d’ailleurs à ses funérailles. Il était également connu en tant que musulman modéré qui prônait le dialogue et la compréhension entre tenants de croyances différentes. De plus, Riasat Ali Khan était aussi président de la Canada-Pakistan Friendship Association… c'est-à-dire la même association qui avait été fondée par Tariq Rafay, le père d’Atif, qui lui avait été assassiné neuf ans plus tôt dans la banlieue de Seattle. M. Ali Kahn, qui était un proche ami de Tariq Rafay, était également l’un des rares visiteurs qu’Atif recevait dans sa prison et il croyait dans l’innocence d’Atif.
Il est enfin à noter que, près de six ans plus tard, l’enquête sur l’assassinat de M. Ali Khan, qui a été confiée à la GRC, n’a jusqu’à présent permis d’aboutir à aucun résultat. Il est aussi plutôt singulier de constater que, suite à cet événement, plus personne ne parle en Colombie-Britannique, et cela depuis déjà longtemps, de l’assassinat d’une personnalité aussi connue dans la région, comme si ce même événement n’avait jamais eu lieu.
Devant de tels faits, et aussi devant l’incroyable incompétence policière apparente dans l’affaire Burns-Rafay, on est en droit de se poser certaines questions. Serait-ce que les victimes de l’extrémisme islamiste ne sauraient jamais, au Canada et aux États-Unis, obtenir justice ? Serait-ce que les autorités concernées, qu’elles soient policières, gouvernementales ou judiciaires (comme le montrent les propos aberrants du juge Mertel), préféreraient faire condamner des innocents plutôt que de courir le risque de soulever certains faits socialement et politiquement perturbants quant au fait que plusieurs assassinats ont été commis, au Canada et aux États-Unis, par des fanatiques islamistes organisés et toujours présents dans ces deux pays ? Et aussi, pourquoi le silence officiel reste-t-il maintenu sur la présence au Canada et aux États-Unis d’une organisation terroriste comme Al Fuqra ?
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces questions sont encore loin d’avoir obtenu les réponses qu’elles méritent. Il est plus que temps pour le public de s’y intéresser, ne serait-ce que parce que deux de nos compatriotes, Atif Rafay et Sebastien Burns, paient de leur liberté, et cela depuis beaucoup trop longtemps, l’incompétence des autorités concernées, ce qui, en soi, devrait nous être intolérable à tous.
Comments
Please login to post comments.