Un pacifisme de tout repos

Par Pierre K. Malouf le 18 septembre 2008

La campagne électorale vient à peine de débuter (j’écris ces lignes le 8 septembre) que déjà les sondages pleuvent. Tous prévoient une victoire des tories, une déconfiture des libéraux. Au Québec, avant même que la campagne ne soit officiellement lancée, un sondage Léger Marketing—Le Devoir —The Globe & Mail plaçait nez à nez les partis de Stephen Harper et de Gilles Duceppe. Les Québécois ne partageraient donc pas l’avis du chef  du Bloc, qui déclare avec aplomb    (et paraît en être sincèrement convaincu) que les politiques du Parti conservateur contredisent les « valeurs québécoises » ? Près d’un tiers des Québécois s’apprêteraient ainsi à trahir nos soi-disant valeurs    « communes » en votant pour la loi et l’ordre, pour la censure, pour la guerre, pour un clone de George W. Bush.

Mais que peuvent bien valoir ces    « valeurs » qui n’ont d’autre con-séquence réelle qu’un solennel pétage de bretelles ? Qu’en est-il, par exemple, de notre prétendu pacifisme ? Un sondage Segma-La Presse-Groupe Gesca publié aujourd’hui (nous sommes toujours le 8 septembre), nous apprend que notre engagement militaire en Afghanistan ne constitue l’enjeu principal de cette élection que pour 4 % des électeurs québécois. Au Canada 11 % des personnes sondées le considèrent comme primordial.

Qu’est-ce à dire ? L’occasion se présente de défaire un gouvernement belliqueux et nous n’en profiterons pas ? Serions-nous moins pacifiques que les cow-boys des Prairies, chez qui la question de l’Afghanistan arrive en troisième place dans l’ordre des priorités, à égalité avec l’environnement ? On me rétorquera que si les autres Canadiens sont plus nombreux à se préoccuper de la question de l’Afghanistan, c’est qu’à leurs yeux pas assez de sang n’y est versé. Ils en veulent plus ! La guerre nous fait horreur, eux ils s’en accommodent et peut-être même qu’ils aiment ça.

Un autre sondage (commenté ce matin par François Brousseau dans Le Devoir), nous apprend que 75 % des Québécois (65 % des Canadiens) pensent que la mission en Afghan-istan est ou sera un échec, que 70 % des Québécois (56 % des Canadiens) appellent à un rapatriement des troupes. Wow ! Sommes plus pacifiques que les Canadiens ou simplement plus défaitistes ? Admettons que nous sommes plus pacifiques. Nous allons quand même permettre l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire, qui prolongera la guerre en Afghanistan grâce à notre appui honteux.

Voici ma franche opinion.

La mission canadienne en Afghanistan est justifiée et doit être poursuivie. Elle résulte des événements du 11 septembre 2001 et du fait que notre pays est membre de l’Onu et de l’Otan. Le but principal de la présence des troupes occidentales en Afghanistan, c’est d’empêcher le retour au pouvoir des Talibans. Pas de 11 septembre, pas de troupes canadiennes en Afghanistan (ni évidemment de troupes américaines, françaises, anglaises, norvégiennes, etc.). L’Afghanistan des Talibans était, n’est-ce pas, le sanctuaire d’Al Qaeda. Ils ne voulaient pas nous voir chez eux ? Facile : ils n’avaient qu’à empêcher leur copain Ben Laden de faire joujou dans les tours (pour reprendre les mots de Maurice G. Dantec).

Nous allons échouer ? Peut-être. Les Talibans reprennent lentement le dessus, la population afghane en a marre de nos bavures, le gouvernement Karzaï est corrompu, les Seigneurs de la guerre font la pluie et le beau temps... N’empêche qu’il faut empêcher les Talibans de reprendre le pouvoir. Encore faut-il y consacrer les ressources nécessaires. Le Canada est à bout de souffle ? Fort bien. Qu’il continue seulement de faire sa part.

Des soldats canadiens ont trouvé la mort en Europe pendant la Seconde Guerre. Est-ce qu’on a décidé pour autant de rapatrier les troupes ? Empêcher le retour au pouvoir des Talibans me paraît une cause aussi juste que d’empêcher les Nazis de dominer l’Europe.

Mais rappelons-nous que le problème ne se poserait pas si les Talibans n’avaient pas couché avec ti-Ben. Ils n’avaient qu’à ne pas se mêler de nos affaires, nous ne nous mêlerions pas des leurs.

Libre à vous d’être plutôt du même avis que Gil Courtemanche, qui écrivait, le 15 septembre 2001 : « Ce n’est ni la démocratie, ni l’Occident qui ont été attaqués le 11 septembre, ce sont les États-Unis. » Qu’a dit      le même loustic après les attentats   de Madrid ? Qu’a-t-il dit après ceux de Londres ?

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