Avec la montée de la droite au Québec, les idéologues néolibéraux se font entendre de partout. Si leurs arguments méritent d’être entendus, il faut tout de même veiller à remettre certains pendules à l’heure.Ainsi, s’il est vrai que l’État-providence doit s’adapter aux réalités nouvelles, il ne doit cependant surtout pas disparaître. Aussi, les adeptes de la doctrine néolibérale tendent à laisser croire qu’être libéral, ce serait être ennemi de tout rôle pour l’État. Le libéralisme politique est avant tout synonyme de pragmatisme ; pour un libéral, la recherche de la justice sociale est un objectifs essentiel à la société.
Tout est au fond une question d’équilibre. Ceux qui rejettent en bloc les efforts pour rendre l’État plus efficace et moins contrôlant pour les individus sont tout aussi prisonniers de leurs dogmes idéologiques que peuvent l’être les néolibéraux doctrinaires. De fait, le secteur privé a certaines méthodes de gestion dont l’État devrait toujours pouvoir s’inspirer. Ainsi, il ne sert à rien d’exclure pour l’État tout recours aux PPP, et même la privatisation si nécessaire. D’ailleurs, le thème de la privatisation de la Société des Alcools du Québec, évoqué par notre collègue Vincent Géloso dans le dernier numéro du Métropolitain, devrait pouvoir être débattu sans anathèmes lancés de part et d’autre.
Mais de là à vouloir que l’État renonce à tout rôle, ou presque, n’est certainement pas une solution qui favorise le citoyen : le contraire s’avère souvent vrai. Pensons aux plusieurs instances où le rôle de l’État est nécessaire : Radio-Canada ; le transport public; l’accès aux soins de santé et à l’éducation; les médias communautaires ; les arts et la culture ; l’eau potable ; la recherche scientifique et j’en passe. Ce sont là des piliers de notre société, dont chacun contribue directement à notre qualité de vie. Vouloir à tout prix que l’État renonce à tout rôle dans ces domaines tout en croyant que la société ne s’en porterait que mieux, c’est sombrer dans l’utopie. Qu’on l’appelle néolibéralisme, c’est de l’utopie quand même.
Les néolibéraux de chez nous s’inspirent beaucoup de la situation qui prévaut aux États-Unis de George W. Bush. Le désengagement de l’État si cher au cœur de nos néolibéraux d’ici, en d’autres termes les merveilles du libre-marché tout azimut, c’est par exemple 60 millions d’Américain qui n’ont pas accès aux soins de santé de base. Nos néolibéraux rétorqueront sans doute que les hôpitaux privés américains offrent des services de beaucoup supérieurs à ceux de notre système public. Il fallait y penser, en effet : que l’on prive donc 20% des Canadiens de l’accès aux soins de santé de base ; exigeons aussi de chacun des autres contribuables qui restent qu’ils défraient une partie importante du budget familial pour couvrir les coûts des assurances (privées, bien sûr). Sans doute que nous aurions alors un système hors-pair et dépourvu de files d’attente. Cependant, le coût social et même moral n’en serait quant à lui même pas chiffrable, tellement les conditions de vie de tant de citoyens seraient fragilisées. La privatisation n’est donc pas la panacée dont certains rêvent. Il ne s’agit que de s’ouvrir le moindrement les yeux pour constater que certains problèmes sociaux ne peuvent être réglés qu’en recourant aux leviers que nous offre l’État. Le décrochage scolaire, par exemple : le marché mur à mur ne pourra jamais corriger ce problème, mais l’État pourrait certainement faire une différence en ce dossier, s’il investissait les ressources nécessaires (pas pour accroître la bureaucratie mais pour réellement affronter le problème) et déployait les efforts requis.
Si nous voulons une société où n’importe quel individu prêt à travailler soit susceptible de pouvoir améliorer sont sort, on doit aussi penser à ceux qui n’ont pas joui au départ de l’avantage d’être issus de la classe moyenne. Ceux qui travaillent plus fort doivent certes recevoir leur juste rétribution pour leurs efforts, mais en contrepartie, la responsabilité incombe à l’État, garant du mieux-être collectif, d’assurer à chaque individu l’accès aux outils nécessaire à son autonomisation : l’éducation par exemple.
Donc, les vertus du marché, je veux bien, mais pas si elles ne favorisent pas le mieux-être de la société, dont la justice sociale et la préservation de l’environnement ne sont que deux des conditions essentielles. Le marché ne pourra jamais résoudre à lui seul les problèmes sociaux et environnementaux. Ce n’est pas son but ni son rôle. L’État garde donc son rôle, même si ce rôle est appelé à constamment s’adapter aux nouvelles réalités… qui ne sont pas seulement celles que le marché tente parfois d’imposer.
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