Après deux procès, deux appels et un dernier appel devant la Cour suprême, après sept années d’incarcération, Robert Latimer reste convaincu que ses derniers juges l’ont injustement condamné. Il réclame un nouveau procès. Il soutient toujours avoir agi pour soulager les douleurs de sa fill, dont l’état ne cessait d’empirer sans qu’il soit possible de lui administrer une médication anti-douleurs.
Or, Robert Latimer a été condamné au nom même de cette possibilité de médication qui n’existait pas ! Depuis 2001, il écrit aux juges pour qu’ils lui disent qu’elle était cette fameuse médication qui aurait pu soulager les douleurs de sa fille soumise à des interventions chirurgicales qui n’allaient nulle part et qui ne servaient qu’à prolonger sa vie et, du même coup, ses douleurs. Mais aux yeux des juges, Tracy était sous contrôle médical dans le cadre d’un «pain management», une notion aussi complexe qu’incertaine. Par manque de formation en la matière, les juges s’en sont plutôt remis à la prétendue expertise d’une coalition d’activistes des droits des personnes-avec-handicaps, qui leur ont fourni un argumentaire charriant de la désinformation médicale et colportant la thèse du caractère intouchable des douleurs des personnes handicapées.
Voici comment ces militants ont formulé leur point de vue : «This case rises significant issues about the rights of people with disabilities and it’s outcome could have LIFE THREATENING CONSEQUENCES.». Voici maintenant comment les juges de la Cour suprême ont rédigé leur jugement : «Killing a person - in order to relieve the suffering produced by a medically manageable physical or mental condition - is not a proportionate response to the harm represented by THE NON-LIFE THREATENING SUFFERING RESULTING FROM THAT CONDITION.» De ce consensus phraséologique se dégage une même vision fondamentaliste : c’était « La Vie » qu’il fallait maintenir en vie, au prix de celle de Tracy …
Quant à Latimer, depuis son dernier appel jusqu’à son audition devant la Commission des libérations conditionnelles où on a tenté de lui faire renier son geste de compassion, il a répété avoir fait ce qu’il devait faire, et que personne d’autre que lui ne pouvait faire, une question de response habileté- compte tenu des circonstances. De fait, son épouse et lui ont pensé qu’après douze ans de soins indéfectibles comme parents, le statut artificiel de personne handicapée de Tracy la mettait moins à l’abri des abus qu’elle ne l’exposait à un sort cruel, celui d’avoir à souffrir davantage au nom de ses handicaps et au nom de LA CAUSE à laquelle elle aurait dû être sacrifiée et à laquelle ses parents ont été sacrifiés : les droits des Pro-Vie-Handicaps à la faveur de l’intrication des articles 7 et 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.
Tout s’est passé dans cette Affaire comme si Tracy Latimer avait été kidnappée au nom d’une cause, certes légitime, mais extérieure à sa condition médicale, pour se servir d’elle et la dépouiller, posthumément, de ses droits et procéder au lynchage constitutionnel de toute la famille. Le caractère sacré de la Vie, et celui tout aussi sacré de la Vie-avec-Handicaps, détournant la justice du sort «cruel et inusité» de toute la famille, qui aurait dû être protégée par l’article 12 de la même Charte.
Au deuxième procès de Latimer, le juge Ted Noble, reconnaissant le caractère «compassionnel» de ce drame, avait trouvé un compromis en accordant une exemption constitutionnelle à Latimer en vertu de l’article en question. CETTE EXEMPTION AURAIT DÛ ÉGALEMENT ËTRE VALABLE POUR TRACY. C’est à partir de là, essentiellement une question de discrimination, qu’il faudra un jour reprendre le procès de Latimer, s’il se trouve dans la salle un autre juriste qui soit aussi un être humain.
Et pourquoi pas Louise Arbour, notre championne des droits humains et ex-juge de la Cour suprême, qui pourrait profiter de son « retour à la maison» pour remettre en question sa participation à ce jugement unanime, qui constitue un crime contre l’Humanité des Latimer, une famille déjà éprouvée à la naissance de Tracy et qui a été trahie par ceux-là même qui auraient dû les comprendre, dont un certain Grant G. Mitchell, avocat-activiste et père d’une fille gravement handicapée. Une trahison acharnée qui a été sanctionnée au bout d’un harcèlement juridique, lequel a eu pour résultat de faire condamner sous les apparences du meurtrier un père qui est intervenu pour sa fille dans un réflexe de légitime défense
En fin de compte, «en l’espèce», les juges se sont lavés les mains du drame des Latimer en suggérant aux élus d’accorder la prérogative royale de clémence. Mais nos législateurs n’ont jamais su quoi penser d’un jugement qui équivaut à la fabrication d’un criminel. Et aussi, Robert Latimer, coupable d’être innocent, reste le prisonnier de son opinion.
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