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La Mer et ses sirènes (DATE DE PARUTION 26 FÉVRIER 2009) - The Métropolitain

La Mer et ses sirènes (DATE DE PARUTION 26 FÉVRIER 2009)

Par Phillipe Allard le 18 juin 2009

La raison la plus fréquemment invoquée par les nationalistes de toute tendance pour justifier leur nationalisme est le voisinage entre la majorité francophone du Québec et ce qu’ils appellent, dans un élan si poétique, « une mer d’anglophones ».  D’un air entendu, nos patriarches, intellectuels et autres bien-pensants nationalistes ont l’habitude d’inaugurer quasi unanimement leurs discours de cette subtile métaphore. Tout juste si la « mer » ne fait pas partie des « attendus que » de la Loi 101.

Le sujet national est alors censé comprendre que découlent nécessairement de cette présence océanique menaçante les limitations aux libertés individuelles recelées par nos lois linguistiques, l’unilinguisme érigé en vertu politique, et aussi les politiques d’immigration où l’on préfère des travailleurs non qualifiés baragouinant le français à des médecins ou à des ingénieurs ne le parlant pas encore. 

L’idée d’une mer anglophone est un puissant outil de pédagogie et de conditionnement nationaliste, et ce pour trois raisons.

D’une part, pour un peuple qui a été pendant des siècles défini par son élite nationaliste et religieuse comme étant constitué de défricheurs et de gens de la terre, la mer ne peut représenter qu’un environnement étranger, voire étrange.  À peu près absente de la littérature et de la musique québécoise, avec quelques exceptions, comme dans quelques chansons de Gilles Vigneault où elle est évoquée positivement, la mer est étrangère pour les Québécois, qu’ils viennent de la ville ou de la campagne.  Seule une minorité de gens habitant les régions côtières peuvent s’en faire une représentation concrète et la côtoient au quotidien.  Il est à parier que les Gaspésiens ou les résidants de la Côte-Nord sont ceux qui utilisent le moins la métaphore de la mer d’anglophones lorsqu’ils justifient leur nationalisme.  Ne la connaissant en majorité que par ouï-dire ou comme un décor associé à leur dernier séjour à l’étranger (que cet étranger soit à Old Orchard, en Floride ou à Cuba), une majorité de Québécois, seront réceptifs à l’idée d’une mer qu’il n’est bon de côtoyer que comme touriste, toujours avec l’idée d’un retour. 

Le deuxième intérêt que les nationalistes ont à représenter le voisinage du Québec comme une mer est qu’il est facile de franchir le pas par lequel la mer devient non seulement étrangère, mais carrément hostile.  Si l’on ne prend pas toutes les mesures pour s’en protéger, la mer nous engloutira tous.  La présence d’une mer hostile par son indifférence permet aux élites et à leurs endosseurs d’invoquer la légitime défense pour justifier leur nationalisme.  Tout doit être mis en œuvre pour se protéger contre ses avancées sur nos terres.  Le vocabulaire catastrophiste pour désigner l’assimilation appréhendée est d’ailleurs un vocabulaire marin : noyade, infiltration, inondation, naufrage, abîme.  On nous raconte, pour légitimer nos lois et nos réflexes nationalistes, que nous vivons dans un environnement hostile.  La mer est présentée comme un fait objectif, évident, inéluctable, qui s’étale à nos pieds.  Il faudrait être fou, inconscient ou traître pour ne pas la voir et pour ne pas agir et se définir en fonction de sa réalité.  La mer avance lentement mais sûrement, on écrit des rapports sur sa progression : quelque part dans l’est de Montréal, l’anglais progresse ; on a vu la mer et senti ses effluves.  La mer n’a pas besoin de gronder pour faire peur aux enfants du peuple : c’est qu’elle est d’un naturel menaçant.

Mais la plus importante raison d’invoquer la mer est qu’elle un concept qui permet de simplifier à outrance cette réalité complexe qu’est l’Amérique du Nord.  La mer permet de consolider et d’entretenir l’idée nationaliste que les sociétés, la québécoise comme les autres, sont des espaces homogènes, lisses et solidaires, peuplés non d’ ;individus aux aspirations, intérêts et rêves uniques, mais d’unités d’une même essence, des gouttes d’eau interchangeables.   L’idée d’une mer d’anglophones tronque toute diversité.  Que cette « mer » recouvre deux pays aux lois et aux cultures politiques si différentes, qui sont d’ailleurs quadrillés par une soixantaine de territoires (provinces et états), traversés par d’innombrables courants artistiques et culturels, peuplés par des individus parlant toutes les langues du monde, et aussi pratiquant toutes les religions ou ne croyant à aucune, sont des réalités ignorées par nos nationalistes.  Cette réalité qu’est la diversité nord-américaine, les nationalistes doivent nous la présenter comme une mer englobante et envahissante, sans quoi c’est leur propre projet qui prendra l’eau. 

Multilinguisme, multiculturalisme, immigration, individualité, prospérité, collaboration,  ouverture : autant de sirènes contre lesquelles les élites nationalistes mettent en garde les Québécois francophones.  L’entretien du mythe passe par l’injonction de ne pas construire de pont, de décourager à la fois le dialogue, l’ouverture et la connaissance de l’autre.  

Les Québécois, quelles que soient leurs origines, doivent combattre cette fausse représentation qui sert surtout les intérêts d’une élite qui ne souhaite pas tant endiguer la mer qu’empêcher les Québécois d’y naviguer.  Plus subtile et plus nocive qu’elle n’y paraît à première vue, cette tendance à invoquer cette mer menaçante inonde et corrode avant tout nos pensées et nos désirs intimes de déracinement et de liberté.


 

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