J’ai failli intituler cet article Mes prédictions pour l’année 2010. Je me suis ravisé, car ma boule de cristal refuse de me révéler ce qui va se passer cette année. Tout au plus me laisse-t-elle entrevoir ce qui n’arrivera pas. J’ai dressé une liste de ces non-événements. Voici la prédiction dont je suis le plus sûr : le gouvernement libéral dirigé par Jean Charest ne prendra aucune décision douloureuse.
Attention : «douloureuse» n’est pas synonyme d’ «impopulaire». La création d’une commission d’enquête sur la corruption dans l’industrie de la construction serait accueillie favorablement par la population, mais serait apparemment douloureuse pour M. Charest (je me demande pourquoi). L’escouade Marteau continuera d’enquêter — j’ai failli écrire «de gesticuler», mais j’aurais fait insulte aux policiers assurément compétents et honnêtes qui la composent. M. Charest est donc capable de ne pas prendre des décisions qui plairaient au peuple. Il mérite ainsi un blâme et des félicitations. Un blâme pour sa passivité dans ce cas précis, où il devrait agir, des félicitations pour son entêtement, qui démontre qu’il est capable de braver l’opinion publique. Cette attitude frondeuse, il devrait à mon avis la manifester plus souvent.
Je prédis donc (en espérant me tromper) que le gouvernement libéral de Jean Charest ne tiendra pas compte dans son prochain budget des recommandations du comité consultatif présidé par le ministre des Finances, Raymond Bachand. Les «sages» qui composent ce comité sont des sommités dans leur domaine, ce qui représente un lourd handicap quant à l’accueil qui les attend dans l’opinion publique — et par conséquent sur le sort qui sera fait à leurs travaux par le gouvernement qui les a engagés. Il s’agit de messieurs Robert Gagné, Pierre Fortin, Luc Godbout, et Claude Montmarquette, à qui j’offre d’ores et déjà mes plus sincères condoléances. Pour ma part, je trouve les deux premiers rapports de ces messieurs très convaincants. Ils ne seront assurément suivis d’aucune action sérieuse. Claudette Carbonneau, la présidente de la CSN, s’est d’ailleurs déjà prononcée : « Après des mois de suspens, les masques tombent. Jamais un comité consultatif n’aura été aussi loin dans ses proposition de privatisation du système de santé.» Que Mme Carbonneau se rassure, M. Charest (et M. Bachand) n’auront jamais le courage de braver les anathèmes d’une présidente de centrale syndicale. Jamais dans cent ans!
Un troisième rapport proposera des solutions concrètes et chiffrées. Elles le seront sûrement, mais demeureront lettre morte! Nos lourdes structures ne seront pas mises au régime minceur, Mme Carbonneau n’aimerait pas ça. La hausse des dépenses publiques se poursuivra au même rythme qu’auparavant; les frais de scolarité et les frais de garderie demeureront gelés; rien d’efficace ne sera fait pour résorber dans un avenir prévisible notre déficit budgétaire; la dette publique continuera de grimper; les Québécois continueront de dormir sur leurs deux oreilles sous la houlette d’un gouvernement dont la devise est «tout finira bien par s’arranger».
Vous me direz que je n’ai pas parlé de la hausse de la TVQ, déjà annoncée, si je ne m’abuse, par Mme Monique Jérôme-Forget. Je réponds à mes contradicteurs que mon article porte sur ce qui ne sera pas fait non sur ce qui sera fait. Cette hausse de la TVQ est éminemment nécessaire... et douloureuse pour les payeurs de taxe. Mais ce qui est nécessaire est souvent douloureux. Les Québécois sont très sensibles à la douleur, mais je crois qu’ils vont pouvoir supporter celle-là... à condition qu’on ne leur en inflige pas d’autre, ce que le gouvernement Charest se gardera bien de faire
Puisqu’on parle d’argent, je prédis qu’il n’y aura aucun règlement dans la négociation de l’État avec les employés du secteur public. Question de gagner du temps et de ne pas prendre de décision impopulaire, le gouvernement va laisser traîner les choses. Et non, il n’imposera pas de décret ! Du moins pas en 2010.
Je prédis également que le gouvernement ne prendra aucune mesure pour stopper ou même seulement ralentir le train-train de la réforme de l’éducation, qui va continuer d’entraîner à sa perte l’école québécoise.
Je prédis somme toute que le gouvernement va continuer de repousser la poussière sous le tapis, jusqu’à ce que nous nous réveillions, en 2011 j’espère, ou beaucoup plus tard je le crains, devant une pente impossible à remonter. Nous nous demanderons alors pourquoi le gouvernement n’a pas imposé dès 2010 les mesures nécessaires pour prévenir le désastre.
Je souhaite de tout coeur que mes prédictions soient fausses. Je coifferai le bonnet d’âne avec plaisir. Allez, M. Charest, rendez-vous impopulaire.
Commentaires
Veuillez vous connecter pour poster des commentaires.