La société québécoise souffre de maux qui ne mettent pas sa vie en danger à brève échéance, mais qui lui causent des douleurs chroniques et des handicaps débilitants. Le Québec est un malade qui connaît ses symptômes mais qui n’ose pas nommer sa maladie, qui dispose dans sa pharmacie de tous les remèdes qui pourraient favoriser sa guérison, mais qui refuse de les avaler par crainte des effets secondaires, leur préférant des panacés qui agravent le mal au lieu de le guérir. Pensons seulement à l’état de déliquescence de notre système scolaire, à notre dette publique colossale, à notre incapacité de mener à bout le moindre projet d’envergure (la construction du nouveau Chum est prévue pour le début du 22e siècle), aux mouroirs dans lesquels nous parquons les vieillards, aux malades mentaux que nous abandonnons dans la rue sans traitement et sans soutien, et surtout, surtout à la stérilité de nos débats publics.
Ainsi, il est beaucoup question actuellement dans les médias d’une soi-disant «montée de la droite», qui se manifesterait par le temps d’antenne ou l’espace journalistique accordés depuis quelque temps à gens comme Éric Duhaime (que Pierre Foglia vient de traiter d’imbécile dans l’un des articles les plus imbéciles qu’il ait jamais pondu depuis cent vingt-deux ans). Liberté-Québec constituerait une menace? Une menace à quoi ? À la sclérose intellectuelle qui caractérise la pensée de gauche? Ne craignons rien, les chefs de nos trois grandes centrales syndicales veillent au grain.
Les solutions aux problèmes que je viens d’énumérer sont connues. Il arrive que l’une d’elle fasse consensus. Qu’arrive-t-il alors? Un fonctionnaire, un comité, un organisme consultatif, un groupe de pression s’interpose. Parfois, c’est le premier ministre lui-même qui jette du sable dans l’engrenage.
Rassemblons tous les citoyens du Québec dans un grand amphithéâtre, faisons sortir du rang le premier ministre, les ministres et les députés libéraux, les militants du parti Libéral du Québec et tous ceux qui voudront bien les rejoindre, qu’ils soient entrepreneurs en construction, syndicalistes ou danseuses du ventre. L’opération terminée, demandons aux six millions de personnes qui ne se seront pas rassemblées autour de Jean Charest s’ils souhaitent la création d’une commission d’enquête sur les liens qui pourraient exister entre le monde interloppe, l’industrie de la construction (patrons et syndicats) et les partis politiques. Pas besoin d’être grand mage pour deviner la réponse : c’est oui ! J’apprends d’ailleurs aujourd’hui (ces lignes sont écrites le 17 novembre) que même la FTQ, dont le dossier n’est pas d’une limpidité exemplaire, souhaite la création d’une telle commission. La volonté de la majorité s’étant ainsi manifestée, à qui allons-nous demander de la mettre en pratique ? Jetez un petit coup d’oeil au fond là-bas près de la sortie. Oui, lui! Êtes vous sourd ? Ça fait cent fois qu’il vous le dit : non, c’est non!
Restons calmes. M. Charest est dans son droit. Son pouvoir est légitime. Il a été élu démocratiquement et exerce ses prérogatives en toute légitimité. Il ne cesse d’ailleurs de nous rassurer: la police enquête, tout va bien, le brouillard de scandale qui nous entoure sera bientôt dissipé, j’ai les deux mains sur le volant. Devant une telle fin de non-recevoir, que nous reste-t-il à faire ? Signer une pétition demandant sa démission? Manifester devant l’Assemblée nationale? Déposer de l’argent dans une enveloppe brune (ou blanche) pour tenter de profiter à notre tour d’un système qui favorise la magouille? Ou tout simplement nous retirer dans nos terres et vaquer à nos occupations en attendant les prochaines élections? Ces solutions ont toutes leurs mérites, j’en ai une autre à proposer.
Jean Charest ne démissionnera pas, pourquoi le ferait-il ? Mme Marois n’avouera pas avoir compris que le Québec ne se séparera jamais du Canada. Québec Solidaire continuera de promouvoir une répartition plus juste de la pauvreté. Et croyez-vous que le maire Vaillancourt va descendre de son trône ? Que les entrepreneurs vont cesser de se partager l’assiette au beurre ? Que la pègre va se retirer du marché ? Que les corrupteurs vont renoncer à leurs enveloppes jaunes et les corrompus à leurs contenus Ou, pour parler de problèmes encore plus graves, que les bonzes du ministère de l’éducation vont dénoncer la réforme scolaire et le cours Éthique et culture religieuse, que les associations étudiantes vont promouvoir la hausse des frais de scolarité, que les nostalgiques de la calèche et du traîneau vont approuver la réfection de l’Échangeur Turcot, que Léo-Paul Lauzon va comprendre le bons sens?
Ces miracles n’auront pas lieu. C’est donc le peuple lui-même qui devra agir. De manière tout à fait pacifique, mais radicale. Le Québec doit démissionner et déclencher une vaste commission d’enquête portant... sur lui-même. Démissionner ne signifie pas cesser de vivre et d’agir. Quitter une fonction n’implique pas qu’on ne puisse pas en occuper une autre.
Ainsi, les Québécois qui démissionneront de leur fonction de parents indifférents pourront se mettre à valoriser l’instruction et à soutenir leurs enfants dans leurs études. Les étudiants en sciences de l’éducation qui trouvent les examens de français trop difficiles démissionneront de l’université et apprendront un métier, plus payant d’ailleurs que celui de prof. Plus merveilleux encore, les bureaucrates débureaucratisés iront travailler sur le terrain. Quels terrains ? Faites-votre choix. Le Québec ne manque pas d’enfants à éduquer, de malades à soigner, de ressources à exploiter, d’idées à développer, ni d’erreurs à corriger.
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