Les irresponsables de la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec font encore face à tout un défi : comment rendre moins évident que des brutes en habits et cravates doivent amener des délinquants en chandails à numéros à manquer de respect à leurs adversaires pour maintenir à tout prix cette «volonté de gagner».
Voici comment le ou les auteurs du rapport du comité consultatif au commissaire de la Ligue énonce cette subtile problématique dans ses principes directeurs : « De nouvelles règles de conduite et d’éthique, devant s’ajouter à la réglementation en vigueur, ainsi que des mesures disciplinaires doivent être énoncées et rigoureusement appliquées, à chaque fois que seront confondues la robustesse propre à ce sport et la violence délibérée.»
Il ressort de cet extrait que la violence au hockey est plus une affaire de politique qu’une question de culture. On accepte la violence, mais jusqu’à un certain point… Et si ces gestionnaires de la violence modérée peuvent faire appel au fatalisme trompeur de la culture de la violence au hockey, c’est parce qu’il en est de même au hockey depuis ses origines. La formule payante de ce sport-spectacle a toujours été basée sur l’exploitation d’un produit culturel où se mélangent la finesse et la brutalité («brain and brawn»). Il a toujours été viable de faire sentir la présence de cette «robustesse», tout en sauvant la face de cette violence dont on dit encore qu’elle ferait partie de ce jeu de bâtons et rondelle.
Le rapport nous donne des exemples de «violence délibérée», dont «les assauts par derrière». On ne parle toutefois pas d’assauts par devant… On ne se poserait sûrement pas la question de savoir en quoi l’assaut par devant serait une violence moins délibérée que celle d’un assaut par derrière. Et pourtant, les collisions frontales, volontaires ou non, ne sont pas rares dans ce sport extrême d’inconduites. Or, TOUT se passe à ce niveau.
Depuis le début des années soixante, le hockey s’est en quelque sorte civilisé. Il a institué la règle de la mise au jeu: en bons gentlemen, les deux miseurs acceptent, depuis lors, de croiser leurs bâtons autour de la rondelle sans possibilité d’assaut… Mais, après le coup de sifflet, tous les coups sont permis et…punis. Les punitions, suspensions et expulsions n’allant pratiquement jamais jusqu’à l’exclusion. Une fois la rondelle en jeu, le joueur n’a même plus besoin de se servir d’abord de son bâton pour faire perdre le contrôle de la rondelle à son adversaire. Il n’a qu’à le mettre en échec ; ce qu’on appelle si justement, une «mise en échec».
En réalité, c’est tout le hockey comme jeu de contacts qui est mis en échec pour laisser libre cours au hockey comme sport-de-contacts où la rudesse se meut derrière «la robustesse». À la suite du rapport Néron (1978), lequel n’avait trouvé rien de mieux que d’imposer le port du casque protecteur pour discipliner la violence au hockey junior, ce rapport-bidon ne franchit pas le test de ses principes directeurs. Dès le départ, il perd toute crédibilité et toute authenticité en énonçant un mensonge majeur du hockey junior : « La tolérance de la violence n’a pas sa place dans le hockey junior, et ne l’a jamais eue.»
Pour faire en sorte que la face de leur politique de gestion de la violence puisse être sauvée, la petite Ligue s’est assurée, parmi ses quatorze «consultants», la représentativité d’un faiseur d’image ou de face-lift professionnel en la présence même du président du Bureau des gouverneurs, ainsi que celle de deux ex-hockeyeurs de la NHL qui ont dû accepter cette politique de robuste rudesse pour faire carrière…
Pour éradiquer la violence à sa racine, il aurait fallu sonder les jeunes morts… Il aurait également fallu demander leurs avis aux jeunes quadraplégiques de la «mise en échec», ces vrais punis, ces suspendus, expulsés, exclus à vie de ce jeu…
Et pendant ce temps-là, la ministre Courchesne tient toujours au bannissement des règlements de compte à poings nus, comme s’ils constituaient la quintessence des assauts par devant…
À cette politique de «volonté de gagner», il n’y aurait pourtant qu’à opposer une volonté politique de la culture du vrai jeu.
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