Enquêtes sur le monde de la construction: indépendante, la SQ?

Par André Malouf le 3 décembre 2009

Le ministre de la Sécurité publique a chargé la Sûreté du Québec  d’enquêter sur les faits et allégations entourant l’immixtion du crime organisé dans le monde de la construction et les affaires municipales où la corruption régnerait. Cela suffira-t-il à redonner confiance ?

 Une organisation policière comme la SQ est une immense machine à renseignements où les haut placés apprennent tout d’en bas sans avoir toujours pleine latitude pour décider qu’en faire. En cas de dilemme, ils se croient obligés de consulter les autorités politiques, ce qui n’est pas toujours conciliable avec la prétendue indépendance du pouvoir judiciaire. Mais allez faire autrement quand telles ont toujours été les règles.

iv472_20040064_badge_surete_resize.jpgQuand certaines affaires non  médiatisées risquent de créer  des remous politiques, les gens au pouvoir préfèrent voir venir les coups plutôt que de les subir sans avertissement, surtout quand elles risquent d’entacher non seulement leur réputation, mais celle de l’organisme gouvernemental ou du parti au sein duquel ils ont des responsabilités ou des accointances. Aussi s’attendent-ils à ce que la police, leur police, les avise quand une affaire mal embouchée se dessine. L’état-major qui l’oublierait serait jugé déloyal et ne ferait pas de vieux os. Une prudente discrétion est alors de mise, car on ne sait jamais quand l’opposition ou la  presse pourraient en avoir vent et frapper dans le tas.

Pour cette raison, certaines enquêtes policières délicates sont soumises au politique, ce qui place parfois celui-ci dans la fâcheuse position d’être juge et partie. Le ou les ministres consultés se voient dans l’obligation de trancher sur certains sujets ou de suggérer des voies à suivre, selon des intérêts pas toujours limpides. Quand, pour des raisons « supérieures », une enquête ou son résultat doivent être ajournés ou abandonnés, on peut toujours trouver un haut gradé, un haut fonctionnaire, un conseiller juridique ou quelque substitut du Procureur général pour statuer que l’affaire est sans fondement ou que les preuves sont trop minces pour poursuivre. Les représentants de l’État qui s’en trouvent fort aise ne sont pas des ingrats et savent s’en souvenir quand vient le temps des nominations par arrêtés en Conseil. Mis à part les bénéficiaires de ces manœuvres, nombreux sont les policiers ou les avocats qui pourraient en témoigner si seulement ils avaient des couilles ou si la vérité les torturait.

Cependant, ici, tel n’est pas le cas, le scandale étant apparu du fait incontrôlable d’une presse indépendante qui a pris tout le monde au dépourvu. En semblable circonstance, les élus préfèrent ne pas se mouiller et annoncer une enquête conventionnelle, ce qui est l’option actuellement préconisée par le gouvernement.

Que la Sûreté du Québec ait le quasi-monopole de la conduite de l’enquête n’a rien pour étonner, quand on devine qu’en fin de parcours elle s’en remettra aux décisions du pouvoir ou de ses représentants, selon ce qu’elle découvrira. Serait-ce la raison pour laquelle le SPVM n’a pas été mis à contribution dans le cadre des vastes enquêtes annoncées, celui-ci échappant à l’autorité directe des ministères concernés?   

Toutes ces affaires de corruption et d’intimidation furent uniquement le fruit du travail médiatique. Rien n’a paru ressortir des œuvres de la Sûreté du Québec chez qui, pourtant, existe depuis la nuit des temps une escouade des Crimes économiques qui est censée s’occuper de semblables crimes.      

Le gouvernement n’a aucun intérêt  à tenir une enquête publique sur un sujet aléatoire qui risque peut-être de l’éclabousser. Sait-on quelle tournure tout cela pourrait prendre? Politique municipale corrompue. Politique fédérale corrompue. Et la provinciale serait vierge?

Les médias feraient mieux de garder l’œil ouvert, sinon les enquêtes policières s’éterniseront jusqu’à ce que le poisson ait été noyé. Rappelons-nous Cinar et l’affaire Robinson où la GRC n’a pas rempli son rôle jusqu’au bout… 


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