Élu le 4 septembre avec 31,9 % des
suffrages exprimés (0,7% de plus que les libéraux) et 54 sièges sur 125,
le gouvernement dirigé par Mme Marois ne pourra pas tenir la plupart de ses
promesses. N’étant pas totalement réduit à l’impuissance, il a quand même
pu prendre quelques décisions douteuses découlant de son programme électoral.
J’en mentionnerai quelques-unes. Le moratoire complet sur l’exploitation des
gaz de schistes annoncé, moins de vingt-quatre après son
assermentation, par la nouvelle ministre des Ressources naturelles,
Martine Ouellet, est le premier exemple qui me vient à l’esprit. Pourquoi ne
pas avoir attendu que le Comité de l'évaluation environnementale stratégique
sur le gaz de schiste ait terminé ses travaux ? Tout simplement parce que Mme
Ouellet est une militante écologiste fondamentaliste. Bombardée ministre,
pourquoi se retiendrait-elle de prendre des décisions dont la rationalité est
plus que douteuse ? Comme elle sait fort bien, ainsi que les autres ministre du
gouvernement Marois, que son parti ne demeurera pas très longtemps au pouvoir,
elle a décidé de mettre la population devant le fait accompli. Dans quelques
mois, le prochain gouvernement, qui, si Mme Marois et ses ministres continuent
de multiplier les bourdes, ne sera pas formé par le PQ, sera sans doute en
mesure de de prendre à propos des gaz de schistes une décision plus éclairée.
Un
autre qui s’est mis les pieds dans les plats avant même que la soupe ne soit
chaude, c’est le ministre des Finances, Nicolas Marceau. Contrairement à sa
collègue des Richesses naturelles, il a dû faire marche arrière. De mémoire
d’électeur, je ne me rappelle pas avoir assisté à un si burlesque numéro de
patinage de fantaisie de la part d’un politicien. Mais quel mouche l’a
piqué ? Le ministre n’aurait pas été forcé de se ridiculiser publiquement, s’il
n’avait agi avec tant de hâte. Surtout que les mesures annoncées à propos de la
Contribution santé, allaient bien au-delà des promesses énoncées pendant la
campagne électorale par le Parti québécois. Hausser les impôts des «riches» et
augmenter, rétroactivement dans les deux cas, les taxes sur les gains en capitaux
pour compenser la disparition de contribution santé, était une idée à la fois
inique et stupide. Le ministre n’a que lui-même à blâmer pour les rires
étouffés qui accompagnent désormais chacune de ses apparitions.
Autres promesses tenues : l’annulation de la
hausse des droits universitaires et l’abolition de la loi 12. Pour ma part, je
désapprouve, mais sans en faire un plat. Le problème du sous-financement
des universités n’est pas réglé, mais il le sera un jour. Par ce gouvernement,
peut-être, ou par le prochain, dans quelques mois. Quant à la loi 12,
considérons les faits sereinement. Après tout, les clauses primordiales de la
loi, c’est-à-dire la fermeture des institutions perturbées par le boycott
étudiant, et la remise au mois d’août des sessions interrompues, a produit les
effets bénéfiques attendus bien avant le 4 septembre. Abolir la loi, c’était
jeter à la poubelle un flacon de médicaments des mois après que les
antibiotiques qu’ils contenaient aient sauvé la vie du malade. Quant aux aspects
« fascistes » de la loi : l’obligation d’annoncer une manifestation huit heures
avant sa tenue et de prévenir les corps policiers du trajet qu’elle devait
emprunter, ils n’ont en pratique jamais été appliqués. Les manifestations
ont continué d’avoir lieu. La liberté d’expression d’aucun carré rouge ou
tête brûlée n’a été brimée, sinon la liberté (ou la licence) de «s’exprimer»
dans le langage propre aux écervelés : le lancer du caillou, l’injure
scatologique et le crachat, qui de toutes façons n’avaient pas besoin de loi 12
pour être interdits ou réprimés. Des policiers (et en particulier une
policière) ont commis des excès, c’est évident. Mais les mêmes gestes
auraient été posés si la loi 12 n’avait pas existé. Son abolition n’a donc eu
en pratique aucune conséquence négative. Au contraire, puisqu’en y allant
de cette décision Mme Marois a permis aux carrés rouges de se calmer les
casseroles. Jusque-là, ça va. Mme Marois a eu tort, mais elle n’a pas
causé grand tort. Sauf que...
Que soient maintenues les améliorations au régime des
prêts et bourses promises aux étudiants par le gouvernement précédent,
voilà qui passe les bornes de la décence. Mme Marois n’arbore plus le carré
rouge, mais elle en dissimule sûrement un sous le revers de son tailleur.
N’est-il pas tristement hilarant que pour désamorcer la crise des étudiants
(que je me refuse à appeler la « crise étudiante »), Mme Marois
décide d’emprunter à Jean Charest l’une de ses meilleures idées en
l’appliquant dans un contexte où elle devient une grossière erreur ? Cette
acrobatie mentale qui s’apparente à l’exécution du grand écart par une
contorsionniste arthritique risque de coûter cher en courbatures politiques à
celle qui s’y est livrée. En attendant, ce sont les contribuables qui paient la
facture. Il faudra voir ce qui va ressortir du sommet sur l’enseignement
supérieur que le ministre Pierre Duchesne est en train de concocter. C’est
drôle, mais j’ai l’impression que les étudiants actuellement « minouchés »
par le PQ vont en ressortir avec quelques égratignures. Mme Marois ne pourra
pas toujours jouer dans les plates-bandes de Québec solidaire. Il
faudra bien que le principe de réalité ait un jour préséance sur le principe de
plaisir.
Très critiquées sinon clairement condamnées par la majorité
de la population, les mesures mentionnées ci-haut, de même quelques autres
décisions du gouvernement péquiste, ont évidemment beaucoup plu aux deux élus
de Québec solidaire. « Marois applique les idées de QS, jubilent
Khadir et David », titre Le Devoir, du 27 septembre (1). Parmi ces décisions du
gouvernement, les élus de QS mentionnent l’annulation du prêt à la mine
Jeffrey, qui aura comme conséquence inévitable la fin de l'exploitation et
de l'exportation de l'amiante chrysotile. Je me demandais si j’allais trouver
élément positif dans le début de règne de Pauline Marois, en voici un !
Un médecin expert déclarait à la radio il y a quelques
semaines : «Il n'existe pas davantage de moyen sécuritaire d'exploiter
l'amiante, qu'il n'y a de moyen sécuritaire de sauter du quinzième étage». La
chute se termine toujours en catastrophe. Ainsi, celui qui se jette dans le
vide a beau se dire en passant devant la fenêtre du premier : « Jusqu'ici
tout va bien ! », il ne perd rien pour attendre. Toute comparaison a ses
limites. Celui qui plonge est celui qui meurt en s’écrasant au sol. Il n’y a
pas substitution pendant la chute. Au contraire, celui qui extrait le
chrysotile s’en tire sain et sauf, car nos exploitations minières sont
parfaitement sécuritaires. « Jusqu’ici, tout va bien ! », peuvent affirmer
la compagnie minière. et les mineurs qui y travaillent. Celui qui va
crever à cause du poison qu’on lui vend habite loin, très loin. Sauter par la
fenêtre nous rapporte un peu d’argent, mais il y a quelqu’un là-bas qu en paie
le prix.
(1) Article d’antoine Robitaille.
(2) La CAQ serait allée dans le même sens si elle avait pris le pouvoir, — mais sans tannuler toutefois le prêt de 58 millions.
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