Le 29 mars 1999, le GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PLACE DE LA RELIGION À L’ÉCOLE formé en 1997 par Pauline Marois et présidé par Jean-Pierre Proulx déposait son rapport devant le ministre François Legault. L’une des recommandations se lisait ainsi : « [...] que les régimes pédagogiques de l’enseignement primaire et secondaire prévoient, en lieu et place des enseignements religieux catholique et protestant, un enseignement culturel des religions obligatoire pour tous ». Une note suivait : « [...] nous faisons l’hypothèse que l’enseignement moral continuerait de faire partie du curriculum, tant au primaire qu’au secondaire, et que les objectifs de formation qui y sont rattachés demeureraient obligatoires pour tous les élèves. Quant aux modalités d’organisation et de prestation de cet enseignement, elles devraient s’harmoniser avec celles de l’enseignement culturel des religions. »
C’est ainsi que fut conçu sous un gouvernement péquiste, le divin enfant que l’on confie, sous les libéraux, aux bons soins des enseignants. À quelques jours de la rentrée 2008, les mêmes questions surgissent. Pourquoi diable un enseignement culturel des religions ? Pourquoi l’infliger aux élèves du primaire, qui ont autant besoin de ça qu’un bossu d’une deuxième bosse ? Pourquoi ne pas consacrer plus de temps à l’histoire et la géographie ? Ne vaudrait-il pas mieux, dès le primaire, initier nos enfants au savoir scientifique, aux grands principes de la pensée libérale, aux règles de fonctionnement de nos institutions ? Et tant qu’à propager des mythes, pourquoi ne pas inscrire au curriculum l’astrologie, la numérologie, la chiromancie ?
« C’est ça qui est ça ! », répondent nos maîtres, qui ne sont pas ceux qu’on pense. N’accablez pas la ministre de l’Éducation actuelle ni ses prédécesseurs : leur marge de manoeuvre est à peu près égale à celle d’une Lada remorquée par un dix-roues. Nos ministres de l’Éducation sont aux ordres. Quand on lit dans un document de 2005 : « L’instauration d’un programme commun d’éthique et de culture religieuse pour tous les élèves du Québec prend racine dans LA VOLONTÉ DU GOUVERNEMENT de servir au mieux l’intérêt de tous : les élèves, les parents, le personnel scolaire et l’ensemble de la société », il faut décoder : « L’instauration d’un programme commun d’éthique et de culture religieuse pour tous les élèves du Québec prend racine dans LA MAINMISE SUR LE MINISTÈRE D’UN ARÉOPAGE CONSTRUCTIVO-JOVIALISTE ». Point final.
De fragile zygote qu’elle était au moment de sa conception, la brillante idée de 1999 s’est muée après une lente gestation en animal hybride dont les cris retentissent désormais d’un bout à l’autre du Québec. J’écrivais il y a deux mois que quoi que nous fassions nous allons « passer par là ! » Je n’ai pas changé d’avis, mais j’apporte aujourd’hui une nuance : il est vrai que ceux qui vont langer et nourrir le nouveau-né n’ont qu’à bien se tenir ! Mais le petit monstre n’a lui non plus pas fini d’en baver. J’espère pour son bien qu’on n’a pas tranché le cordon ombilical qui le relie aux officines du Ministère. Je n’accorde évidemment aucune confiance à un syndicat comme l’Alliance des professeurs de Montréal, qui tout en favorisant l’instauration d’une école laïque approuve l’idée qu’on y enseigne l’histoire des grandes religions. Non, c’est sur les enseignants eux-mêmes qu’il faut compter pour saboter le programme.
Que disent en particulier les profs du primaire ?
1 La plupart continuent de soutenir qu’il ne devrait pas du tout être question de religion à l’école.
2 Des profs qui ont elles-mêmes des enfants d’âge scolaire craignent que ces derniers se fassent endoctriner par leurs profs.
3 D’autres qui se sont fait dire que l’on allait consacrer un budget de 30 $ par élève à l’achat du matériel didactique sont scandalisés : « On n’a même pas un manuel de mathématique par élève. On est obligé de se prêter les livres d’une classe à l’autre ».
4 « L’enseignement des religions, c’est seulement 20 % du pro-gramme », dit un prof expérimenté qui a l’air de prendre ça cool.
5 Plusieurs font un lien avec la question des accommodements raisonnables : « Appliquer ce pro-gramme-là, c’est nier nos valeurs. »
Les signes avant-coureurs ne mentent pas : l’enfant chéri du ministère va subir de fort mauvais traitements. À quelques jours de la rentrée, il est encore permis d’espérer que ça va foirer. Tout ne peut pas toujours aller mal.
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