Émile Ortenberg, De l’art de devenir mozartien, Paris, éditions DDB Lethielleux, 176 p.
En vue de l’écriture de cet essai, Émile Ortenberg semble n’avoir eu pour seule ambition que de vivre un message de lumière. On constate à sa lecture que son propos se résume à merveille par cette seule idée, car c’est bel et bien dans cette optique que l’auteur rend compte de la lucidité, de l’amour et du bonheur que comporte la musique mozartienne, une musique à laquelle, d’ailleurs, de plus en plus de mélomanes accordent un statut tout à fait spécial.
Avec Mozart, c’est en effet une autre forme d’identification musicale qui se conçoit, comme si celui qui écoute était obligé d’aller plus loin dans sa perception, dans sa vision de la réalité. Ainsi Émile Ortenberg, à partir de son vécu personnel, nous invite à dépasser le premier degré de l’écoute pour entrer de plein pied dans l’émotion, afin de toucher « la révélation » de ce qu’il appelle un « message de lumière ». Cela dit, qu’on ne se méprenne pas : nous avons ici affaire non pas à une espèce de divagation ésotérique à la con, mais plutôt à un ouvrage solide, qui invite à la fois à l’émotion et à la raison, à la réflexion à l’action, tout en alliant le pouvoir des mots à la concrétude des faits.
Ainsi, la quête d’équilibre inhérente à cet essai nous renvoie à la vie concrète, tout autant qu’elle touche, instruit, informe et donne au lecteur le goût d’aller plus loin dans la recherche et l’étude mozartienne. Dans ce livre dont le ton et l’élan n’ont absolument rien de prétentieux ni de professoral, tout est bien assumé, dosé avec justesse, et se divise en trois sections : l’écoute, l’expérience et l’analyse. Ce travail rigoureux et fondé sur l’expérience, tout en étant d’une lecture parfaitement accessible voire agréable, est non seulement une preuve d’amour, mais aussi celle d’un réel engagement que l’auteur a pris à l’égard de Mozart et de tous les mozartiens. C’est aussi le choix de l’exigence musicale et de la poésie.
L’auteur fouille à fond la traversée des siècles que les œuvres de Mozart auront connue, en plus de nous fournir certains repères bibliographiques des plus judicieux. La vie de Mozart est également passée au peigne fin, et l’on se surprend à y découvrir des détails anecdotiques d’une richesse insoupçonnée, dont l’auteur rend compte par des passages qui se révèlent aussi doux, gracieux et intenses que peut l’être la musique de Mozart elle-même.
Il est impossible de ne pas tomber sous le charme de ce livre. Émile Ortenberg, tout en humanité, livre le bon combat, sourire en coin sans doute, d’un ton qui est tout sauf moralisateur. Il est simplement emballé par Mozart, tellement qu’il en arrive à faire vibrer l’espace, comme les acteurs arrivent parfois à le faire, lors de l’entracte. De plus, par la subtilité de sa démarche, l’auteur ajoute une nouvelle couleur à la palette déjà riche de l’étude de la musique de Mozart. Une couleur assez chatoyante, une voix qu’on aime entendre parce que vraie, sans complaisance ni morgue prétendument savante. Une voix qui ne parle pas pour rien dire, en quelque sorte. On a ici affaire à un auteur intègre, qui a écrit un livre sur Mozart tout simplement parce qu’il aime sa musique. D’ailleurs, à la fin de son ouvrage, l’auteur prend le temps de remercier ses lecteurs, en exprimant une ouverture au dialogue, voire au partage, qui est aussi rare que chaleureuse.
En somme, il y a chez Émile Ortenberg une fierté que le vaniteux pourrait prendre pour de la prétention, de même qu’un bon sens que l’universitaire pourrait prendre pour de l’intelligence. Ce livre est tout simplement brillant, captivant, incontournable. On referme ces pages en se sentant tout simplement heureux d’avoir passé des moments de lecture agréables, tout en se retrouvant encore mieux aspiré vers la musique de Mozart, vers cette musique qui, comme le propos de son amoureux Émile Ortenberg, n’est jamais opaque, et dont les notes sont toujours transparentes, tout en exprimant une réelle force de vérité. C’est donc ainsi que l’on comprend que l’art de devenir mozartien se gagne, à n’en point douter, lorsqu’on se met, tout simplement mais avec l’attention requise à tout amour, à aimer Mozart !
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