Richard Martineau, le 7 juin, sur le hidjab : « Comme on pouvait le prévoir, l’ineffable Françoise David, ex-féministe qui fait maintenant des courbettes devant les extrémistes religieux (du moins, ceux qui ne sont pas d’obédience catholique, « ouverture » envers les autres communautés oblige), Mme David, donc, applaudit la décision des augustes commissaires à quatre mains [sic]. »
Je suis rarement d’accord avec Mme David, mais aujourd’hui je me range de son bord. « Qui suis-je, moi, comme féministe, disait-elle le 26 mai, pour dire à mes soeurs : tu dois ou non porter le voile ? Est-ce que je vais aussi interdire à une religieuse de porter une croix ? Sous le voile, il y une femme. » Objection de Martineau : celles qui sont allées dire à la Commission qu’elles portent le hidjab de leur plein gré étaient téléguidées par des barbus fanatiques ; rien ne doit être retenu de leur témoignage. Sous-entendu : que vaut la parole d’une femme ? Surtout quand elle est musulmane.
Sans doute vais-je en scandaliser plusieurs en avouant que le port du foulard, je ne suis ni pour ni contre. Je considère que ça ne me regarde pas. Et il ne m’entre pas dans la tête qu’une prof de mathématique de Brossard qui porte le hidjab devant ses élèves est le bras armé de Ben Laden. Elle est soumise à des pressions de son milieu : père, frère, mari, imam ? Sans doute, mais il ne s’agit ni de burka, ni de mariage forcé, ni d’excision, sacrebleu ! À propos de contrôle vestimentaire, les filles qui dévoilent leurs charmes, au grand désarroi de certaines féministes, elles ne sont pas soumises elles aussi à des pressions sociales ? Bien sûr, mais ces pressions n’étant pas religieuses, tout le monde s’en fout.
Il n’y a en fait que le Conseil du statut de la femme pour soutenir que l’égalité homme-femme est constamment menacée, que la femme est un être à ce point socio-dégradable qu’il faut à tout prix la barder de règles protectrices. Celles qui se couvrent la tête autant que celles qui découvrent les autres parties de leur corps sont des inconscientes et doivent être rééduquées ! L’État doit se donner comme nouvelle mission de codifier la manière de s’habiller ou de se déshabiller des personnes du beau sexe ! Évidemment, il sera plus facile d’interdire le port du foulard à une jeune musulmane que d’obliger une jeune « de souche » à cacher son G-String.
Ce qui me turlupine le plus dans toute cette histoire de voile, c’est la fixation exclusive sur le phénomène religieux. Qu’on me comprenne bien : personnellement, je ne crois ni à Dieu ni à Diable. Je ne nie pas les méfaits historiques des religions, mais il me paraît évident que le potentiel oppresseur des idéologies séculières est tout aussi réel. La perte d’influence des religions au XXe siècle n’a pas empêché ce dernier d’être le plus meurtrier de l’Histoire. Mao, Staline, Pol Pot et consorts massacraient au nom d’une idéologie athée, le marxisme-léninisme. Hitler exterminait au nom d’une idéologie raciste à saveur mythologique qui est aux antipodes des fondements du christianisme. Comme dit si bien Marc Angenot, « l’idéologue ne perd jamais confiance en son idéologie, il se borne, si nécessaire, à cesser de croire à la réalité ». Ou à la transformer au prix de millions de morts pour qu’elle se conforme à ses lubies.
Je me méfie des religions comme de la peste, mais tout autant du choléra, c’est-à-dire des idéologies. Réjouissons-nous : les féministes québécoises ne sont pas toutes des idéologues. Elles n’ont pas toutes cessé de croire à la réalité... et d’en tenir compte dans leurs prises de position. Moins obsédée de contrôle social que le CSF, la Fédération des Femmes du Québec appuie quant à elle les recommandations très mesurées de nos « commissaires à quatre mains » en ce qui touche le port du voile dans les institutions publiques. Martineau dira qu’il s’agit là d’ex-féministes.
Dans ma jeunesse, le Québec était peuplé de catholiques plus catholiques que le pape. Les temps ont bien changé. Oui, il faut combattre l’islamo-fascisme. Ces gens-là nous les cassent. Mais plutôt que de nous attaquer à leurs victimes de sexe féminin, tirons la barbe des barbus.
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