Jean-François Revel écrivait que pour combattre le mensonge rien n’est plus efficace que la vérité. Contrer une fausse information en la censurant donne toujours de moins bons résultats que le simple fait de lui opposer une information exacte. Voilà un beau principe... auquel je n’ai jamais pu me rallier sans réserve. Un autre grand auteur, que j’admire tout autant que Revel, mais pour d’autres raisons, Eugène Ionesco, ne disait-il pas, preuves à l’appui, que « la vérité n’intéresse personne » ? Entre l’optimisme de Revel et le pessimisme de Ionesco, mon coeur à longtemps balancé. Aujourd’hui je suis fixé: des événements récents ont en effet démontré sans l’ombre d’un doute que Ionesco avait raison.
La vérité n’intéressant donc personne, sauf vous, chers lecteurs, j’en suis rendu, au lieu de perdre mon temps à combattre le mensonge à l’aide d’arguments rationnels, à promouvoir l’internement psychiatrique des crétins qui propagent des rumeurs alarmantes à propos de la vaccination ou de la fin du monde, prévue, dit-on, pour décembre 2012. Je retire le mot « crétins », c’est « idiots nuisibles » que j’aurais dû écrire. Idiots nuisibles... mais instruits, engeance qui prolifère à une époque où l’on permet à des analphabètes fonctionnels d’accéder à l’université, et d’y copier-coller un baccalauréat, une maîtrise, parfois un doctorat, après quoi ces imposteurs iront exercer des métiers honorables, voire prestigieux : enseignants, infirmières, ingénieurs, notaires, prophètes...
Vous direz que je vais trop loin en ce qui concerne les doctorants ou les « doctorés », que ceux et celles qui poursuivent leurs études jusque là sont à l’abri de loufoqueries comme la biologie totale, les théories du complot, la fin du monde, les chances du Canadien de remporter la Coupe Stanley. Détrompez-vous ! Il en va des théories fumeuses comme des proverbes : on n’y croit que si l’on est un peu bête, mais pour les inventer, il faut posséder un minimum d’intelligence.
Dans un livre récent, Normand Baillargeon écrit : « Un des plus précieux bénéfices qu’on puisse retirer d’une formation universitaire, disait-on hier encore, est la capacité à reconnaître des croyances délirantes, absurdes et souvent dangereuses. Mais tout donne à penser que l’Université actuelle, loin de faire ce cadeau aux étudiants qui la fréquentent, est au contraire elle-même parfois devenue un important pourvoyeur de telles croyances — du moins dans certains domaines (1). » Cette bêtise dénoncée par M. Baillargeon, où la retrouve-t-on surtout ? Je vous le donne en mille ! Dans les sciences de l’éducation !
Ce qui m’amène à affirmer que la situation est pire au Québec que partout ailleurs en Occident. La flopée d’ignares qui dénoncent la vaccination ou croient à l’imminence de la fin du monde n’est certes pas plus abondante actuellement au Québec qu’ailleurs dans le monde. Mais grâce à l’école québécoise, elle va bientôt proliférer. C’est que les bonzes constructivistes du ministère, qui marchent main dans la main avec les post-modernistes qui ont envahi les sciences de l’éducation, se sont donnés comme mission de saboter le système scolaire, d’empêcher les enfants québécois d’acquérir des connaissances, de détruire l’esprit critique de toute une génération. J’appelle ça la stratégie (qui rime avec tragédie) de l’intelligence brûlée. Le dernier coup d’éclat de ces vandales : le Programme éthique et culture religieuse implanté dans nos écoles il y a un an et demi.
Les enfants Québécois apprennent donc à respecter, voire à admirer, des coutumes aussi exotiques que les sacrifices humains chez les Aztèques, les massacres de sorcières dans l’Europe de la Renaissance, la lapidation des femmes adultères chez les musulmans, l’existence de vaches sacrées dans de lointaines contrées asiatiques, le nombre anormalement élevé de prêtres pédophiles au sein du clergé catholique (comme c’est beau la religion !), mais n’entendent jamais parler de Louis Pasteur, de Robert Koch ou de Joseph Edward Salk. Ils n’acquièrent bien sûr aucune notion élémentaire d’astronomie, ce qui leur permet de croire à l’existence d’une planète appelée Nibiru, qui viendra détruire la terre le 21 décembre 2012. Entre la superstition et la connaissance rationnelle, l’école québécoise a fait son choix. À bas la pensée logique, vive la pensée magique !
Et tandis que les autorités compétentes du ministère de la Santé incitent les citoyens du Québec à se faire vacciner ; tandis que les astronomes du Mont Mégantic s’échinent à démentir les élucubrations des astrologues ; au ministère de l’Éducation des relativistes patentés travaillent à empêcher les connaissances scientifiques de faire leur chemin dans l’esprit de nos enfants.
Inutile de vous faire vacciner, la fin du monde s’en vient.
(1) Contre la Réforme, Presses de l’université de Montréal, p. 69.
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