Les Québécois comprennent enfin que l’heure est grave. Ramenés au réalisme grâce au leadership exemplaire du premier ministre, ils sont prêts à payer leur électricité au prix du marché, à débourser quelques dollars supplémentaires pour faire garder leurs enfants dans les CPE, à voir augmenter la TVQ de 1%, à dépenser davantage pour envoyer leur progéniture à l’université, à être à jamais les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord. Ils voient aussi venir d’un bon oeil les mesures d’austérité qui seront prises pour ralentir l’augmentation des dépenses publiques. Le bon exemple nous est fourni par les employés de l’État, qui, de bon coeur, vont se contenter de modestes augmentations. Félicitons surtout les médecins spécialistes : ils sont les premiers à admettre qu’ils ne pourront jamais gagner autant que les spécialistes des autres provinces.
Avis à ceux qui ne s’en seraient pas encore rendu compte : je blague ! Parlant de blague...
Écoutant l’émission de Pierre Maisonneuve à Radio-Canada, j’entendis l’autre jour de la bouche d’un auditeur la proposition suivante, que je cite de mémoire : «Plutôt que de hausser les frais de scolarité afin de nous rapprocher de la moyenne canadienne, nous devrions plutôt imiter les pays scandinaves et instaurer la gratuité scolaire jusqu’à l’Université !» Brillante idée, qui fut également lancée, à la blague cette fois, le jeudi 4 mars à l’émission Bazzo.tv, provoquant dans le studio les applaudissements et les hourras d’un public surtout formé d’étudiants et/ou de membres de Québec solidaire. L’auteur de la blague, François Blais, doyen de la faculté des sciences sociales de l’Université Laval, un peu gêné de voir accueillie avec tant d’enthousiasme une hypothèse que de toute évidence il trouvait absurde se hâta ensuite de passer à autre chose. J’avoue en avoir été fort décontenancé. Quelle belle occasion ratée en effet ! M. Blais aurait pu, en un tournemain, décrocher de l’hameçon les poissons qu’il venait d’appâter, il préféra couper la ligne et laisser son auditoire retourner dans les salles de cours la lippe pendante et les ouïes ramollies par ce mantra sublime : gratuité scolaire, gratuité scolaire, gratuité scolaire! Ça existe en Finlande, pourquoi pas ici ? M. Blais aurait pu répondre à la question, il préféra se taire.
J’ai dit en Finlande, je me reprends. L’université est gratuite dans tous les pays scandinaves : Suède, Norvège, Danemark, Finlande. Qu’aurais dû répliquer M. Blais à ses encombrants admirateurs ? Tout simplement que pour adopter au Québec les mesures sociales scandinaves et plus particulièrement la gratuité des études universitaires, il faudrait également adopter une fiscalité à la Scandinave.
Les taxes à la consommation sont au Québec, si l’on additionne la TPS et la TVQ, de 12,5%. Nous atteindrons 13,5 % quand le gouvernement du Québec aura haussé la TVQ tel que promis. Qu’en est-il dans les pays scandinaves ? (1)
SUÈDE : 25 % pour la plupart des produits et services
NORVÈGE : 25 % (14% pour la nourriture)
DANEMARK : 25 % sans aucune exception
FINLANDE : 22 % (17 % pour les produits alimentaires humains et animaux)
Quant à l’impôt sur le revenu des particuliers, voici les chiffres.
QUÉBEC (incluant impôt fédéral) : 31 à 53 % De nombreuses déductions et exemptions ont pour conséquence que 40 % des Québécois ne paient pas d’impôt.
SUÈDE (incluant impôt municipal et impôt national sur le revenu) : 28,9 à 59, 17%
Pas de déduction personnelle de base comme au Canada ou de déductions pour frais de déménagement, pensions alimentaires, frais médicaux, etc.)
NORVÈGE (incluant l’impôt municipal et l’impôt national) : 24,5 à 40 %
Déductions pour dépenses encourues dans le but de gagner un revenu. Déductions pour enfants à charge de moins de 12 ans et pour primes de plan de retraite. Pas de déduction personnelle de base.
DANEMARK (incluant impôt pour l’église, impôt municipal et impôt du pays) : 29 à 59%
Plusieurs types de déductions ou réductions sont applicables aux contribuables. Pas de déduction personnelle de base.
FINLANDE (incluant impôt d’État, taxe municipale et impôt d’Église) 24,5 à 53,5 %
Déductions pour primes d’assurances sur les fonds de retraite et quelques autres de moindre importance. Pas de déduction personnelle de base.
Conclusion : si les Québécois sont disposés à payer ici les mêmes taxes et les mêmes impôts que les Scandinaves payent chez eux, nous pourrons abolir les frais de scolarité dans les universités. Peut-être devrions-nous adopter également certains traits du caractère scandinave. Un peu plus de sens des responsabilités et un peu moins je-m’en-foutisme ne sauraient nuire au sens de la fête qui nous sied si bien.
(1) Source : http://www.interex.fr/fr
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