Décision 2011: Des élections inutiles ?

By Pierre K. Malouf on April 21, 2011

Il paraît que la majorité des Canadiens ne voulaient pas  de nouvelles élections fédérales.  Les voilà mis devant le fait accompli. MM. Ignatieff, Layton et Duceppe en voulaient, eux, de nouvelles élections, et Stephen Harper aussi, d’ailleurs, ne soyons pas naïfs. M. Harper a volontairement  poussé ses adversaires dans leurs derniers retranchements, il a atteint son but. Les Conservateurs ne demandaient rien d’autre que d’être renversés, ils l’ont été. M. Harper a bien manoeuvré et compte bien faire élire le 2 mai prochain un gouvernement conservateur majoritaire. Aussi ne pouvons-nous le prendre au sérieux quand il affirme que ces élections sont «inutiles».  

Ce qui pourrait d’ailleurs arriver de pire aux Conservateurs, si l’on se fie aux tendances révélées par les plus récents sondages, c’est de former de nouveau un gouvernement minoritaire. Serait-ce le cas, que les élections n’auront quand même pas été «inutiles», à moins de soutenir que le Canada devrait abolir la démocratie parlementaire et se transformer en régime de parti unique sous la gouverne d’un despote plus ou moins éclairé. Des élections ne sont jamais inutiles dans un pays qui n’est pas gouverné par un Saddam Hussein ou un Joseph Mugabé, qui eux ne récoltent jamais moins que 99,5 % des suffrages. Les Canadiens qui trouvent les élections «inutiles» sont donc instamment priés d’émigrer en Corée du Nord. Et qu’on ne vienne pas nous dire que des élections ça  coûte cher! Trois cent millions de dollars, paraît-il.  Environ  vingt dollars par citoyen canadien en âge de voter. Une broutille. Moins qu’une caisse de vingt-quatre ! L’argument du prix trop élevé est absolument indigne. Si elles coûtent trop cher maintenant, les élections, elles coûteront trop cher aussi dans deux, trois ou quatre ans.  Soyons  conséquents, n’en faisons plus jamais!

Cela dit, le seul politicien dont on peut se demander quelle mouche l’a piqué en provoquant la chute du gouvernement, c’est  Michael Ignatieff. Tous les gestes de ce dernier le démontrent:  il voulait vraiment faire tomber les Conservateurs, il voulait aller en élection.  Le chef libéral a sans doute une vocation de martyre.  Son parti est «en route pour l’abattoir», écrit Vincent Marissal (1).  Le chroniqueur  de La Presse fait surtout allusion au Québec, mais la situation n’est guère plus rose pour les libéraux ailleurs au Canada. Ne sonnons pas le glas tout de suite, la campagne électorale vient juste de débuter. Les libéraux et leur chef vont peut-être nous étonner. Mais ils ont toute une côte à remonter !

Les Canadiens ne voulaient donc pas d’élections, ils vont en avoir quand même. À défaut de voir leur premier souhait se réaliser, que désirent-ils maintenant? Un gouvernement majoritaire ou un gouvernement minoritaire? Analysons la situation. Je simplifierai à dessein, car dans certains comtés, il est clair que plusieurs électeurs voteront «stratégiquement»,  afin  de défaire tel candidat de tel parti plutôt que pour faire élire tel autre. Dans mon comté, par exemple, le député actuel décroche toujours des majorités astronomiques. J’aimerais bien qu’il soit  battu, aussi vais-je voter en désespoir de cause pour le candidat qui sera le plus susceptible de le renvoyer dans ses pénates. Tant pis s’il faut pour cela que j’accorde mon vote à un parti dont je ne souhaite pas vraiment l’arrivée au pouvoir. Mon cas n’est  pas exceptionnel. Au provincial, par exemple, je connais des fédéralistes convaincus qui sont prêts à voter pour le PQ si cela peut permettre de débarrasser leur comté de l’inénarrable Amir Khadir. Mais revenons aux élections fédérales...

Nonobstant les réserves que je viens d’exprimer, il n’y a aucune équivoque : qui vote pour le Bloc Québécois ne peut espérer rien de mieux qu’un gouvernement minoritaire (libéral ou conservateur)  au sein d’un parlement où le Bloc détiendrait la balance du pouvoir.  Idem pour les partisans du NPD, qui n’ont aucune chance de voir leur parti dépasser les conservateurs ou les libéraux. Par ailleurs, qui vote pour le Parti Libéral souhaite de toute évidence l’élection d’un gouvernement majoritaire libéral. Il en va de même pour les électeurs du Parti Conservateur qui ne souhaitent rien de moins qu’une majorité de gouvernement. En l’occurrence, les Conservateurs ont plus de chance de voir leur souhait se réaliser, mais il n’empêche que les libéraux ont exactement les mêmes ambitions.

Une conclusion s’impose donc : la plupart des Canadiens (en tout cas plus de 50 % d’entre eux, qui votent pour l’un ou l’autre des deux grands partis) souhaitent l’élection d’un gouvernement majoritaire. Soulignons que même les partisans du NPD, peuvent  légitimement rêver du jour ou leur parti dirigera le pays. Il n’y a vraiment qu’au Québec qu’un forte proportion des citoyens désire, préfère et s’organise pour que son comté et sa province soient exclus de l’exercice du pouvoir et confinés dans un rôle d’éternelle opposition, idéalement au sein d’un Parlement ou aucun parti ne détient la majorité absolue.  Mais si telle est bien la volonté des Québécois (du moins de 35 à 40 pour cent d’entre eux) : n’exercer dans l’administration du pays qu’un pouvoir d’obstruction, que leur voeu soit réalisé ! Et il risque d’ailleurs de l’être encore cette année, mais sans les avantages qu’offre aux bloquistes un parlement sans majorité absolue, si, ainsi qu’il est prévisible, les Conservateurs atteignent leur objectif tout en ne faisant élire au Québec qu’une dizaine de députés. 

Serait-ce une catastrophe ? Je ne crois pas. Le Québec ne sera sûrement pas plus mal traité par un gouvernement conservateur dont à toute fin pratique nous nous serons volontairement exclus qu’il ne l’était naguère sous Trudeau par des gouvernement libéraux qui faisaient élire 74 députés sur 75 dans la Belle Province.  Et qui nous ont légué en héritage un multiculturalisme qui est en train de saper les bases mêmes du libéralisme.

(1) La Presse du 26 mars, p A 9.

 

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