Les témoignages sont à la mode. On raconte sa vie. Dans le roman de Josée Bilodeau, la ville désarticulée est au contraire mise en scène, sur 188 pages, avec un impressionnant patchwork de personnages, tous plus hétéroclites les uns que les autres. Au détour des rues et des ruelles, dans les clameurs urbaines, On aurait dit juillet nous transporte dans une ville inconnue – j’aime bien imaginer qu’il s’agit d’un Montréal chargé de vie-, s’observant au travers mille et unes vitrines, comme des scènes parfaitement liées au décor de la ville.
Josée Bilodeau peint ses personnages avec mordant, comme de petits croquis précis trouvant la place dans une sorte de tableau vivant, urbain. Même si l’aspect demeure parfois un peu caricatural, le comportement de chacun des personnages ne manque pas de détails, ce qui nous les rend convaincants, sans pour autant les rendre vraisemblables. Ainsi, à la lecture de ce roman, nous restons souvent incrédules, ayant toujours à l’esprit que nous sommes en train de lire, à juste titre, un roman. Est-ce un défaut ou une qualité ? Je ne sais pas. L’exagération ne manque pas de charme, et pour ma part, j’aime bien pénétrer la psychologie des personnages.
Toutefois, l’auteure s’efforce de mettre en lumière des gens ordinaires, qui font des choses de la vie de tous les jours, de manière à permettre au lecteur d’observer, en catimini, cette simplicité fascinante. Le rapport à l’intime, dans cet aménagement de la banalité, possède quelque chose de touchant. Rien de morbide, pas de prétention misérabiliste, et oui, c’est un roman québécois ! Parfois, on devine bien la tentation d’un éloge muet, par exemple dans des phrases entre les amants fragiles, ou chez les rescapés de l’espoir. Ainsi, l’auteure ouvre pour nous toutes les portes, cela sans en refermer aucune en cours de route, et nous demeurons donc confortablement installés sur nos positions, sans pour autant perdre de vue un seul instant le fait que l’action d’un personnage a des répercussions sur les actions d’un autre, tout ceci dans un immense casse-tête de liens de causalité.
La réalisation des désirs ressemble souvent à une parodie des plus profondes aspirations et, en écrivant tout ceci, je me rappelle une rencontre avec une écrivaine, laquelle expliquait que c’est le talent qui permet d’accorder une attention presque égale à tous les personnages, sans tomber dans la platitude linéaire. Le talent donc, et cela bien avant l’expérience. Bref, la soixantaine de scènes de On aurait dit juillet ressemblent à une série d’images, comme un collage qui, à tout moment, surgit aux yeux du lecteur, tandis qu’il marche, parfois tel un funambule, tant on se demande s’il existe une cohésion fondamentale, ou si la poésie, justement, n’a pas pour but de doter les personnages de multiples facettes afin d’étoffer le schéma narratif ; on marche et on suit néanmoins l’auteure.
Bref, sous une canicule printanière incroyable, chargée de sensualité, On aurait dit juillet se déploie à l’intérieur d’une seule journée, dans la recherche personnelle de chaque personnage à trouver son destin, niché au cœur de nos exigences contemporaines. Roman moderne, voire postmoderne, il révèle, dans toute sa splendeur, la riche mosaïque humaine.
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