Louis « le Pieux » Cornellier, sublime gardien de l’orthodoxie politico-religieuse

Par René Girard le 7 janvier 2010

Dans les sphères rocambolesques du nationalisme québécois, il m’arrive parfois, au hasard de mes lectures, de tomber sur un article dont le titre accrocheur m’invite à lire plus avant. Parfois, c’est un auteur particulier qui m’attire, et il est vrai que j’en chéris quelques-uns. Louis Cornellier, dit « le Pieux », est l’un d’eux car je suis toujours certain qu’il ne me décevra pas. En effet, je serais bien déçu s’il fallait qu’un jour ses propos me plaisent, quoique je n’ai aucune crainte à cet égard. Je crois que j’ai gardé une dose de masochisme de mon passé judéo-chrétien. Louis « le Pieux » me donne l’occasion de l’entretenir et, qui sait, de peut-être en guérir un jour. Disons que c’est la grâce que je me souhaite, même si ce n’est pas pour tout de suite. 

Cornellier est un nationaliste et catholique « chevronné » (comme dans balises à chevrons), un tel qualificatif s’appliquant fort bien à ce plumitif obtus, superbement imbu de lui-même et dont ce qui lui tient lieu de pensée ne cesse depuis longtemps de tourner à vide.  Louis « le Pieux » pontifie dans les pages littéraires du Devoir, cette tribune nationaliste et bondieusarde par excellence où notre vertueux chroniqueur littéraire a carte blanche pour excommunier systématiquement tout libre penseur. 

Prenons par exemple le cours « Éthique et culture religieuse », dont Louis « le Pieux » est un fervent partisan.  Se situant résolument du côté des élites et pouvoirs concernés, « le Pieux » Cornellier défend ce cours avec un acharnement tel qu’il en devient, lui l’homme d’une si exemplaire piété, carrément malhonnête intellectuellement.  En voici un exemple parmi tant d’autres :

Dans l’une de ses dernières cuvées tout aussi mirobolantes les unes que les autres, le bien-pensant catho-nationaliste Cornellier fulmine contre Normand Baillargeon, un auteur réputé pour son incontestable finesse de pensée.  D’entrée de jeu, le procédé de Louis « le Pieux » s’avère d’une admirable perfidie : il prend d’abord soin de flatter sa proie dans le bon sens, histoire de mieux la faire passer par la suite au bûcher.  Ainsi, Cornellier fait mielleusement les louanges de Baillargeon en évoquant « son souci de vulgarisation philosophique, son attachement à la pensée critique et son sens de l’engagement social », mais les flatteries sont aussitôt suivies d’une bonne dose de fiel, avec Louis « le Pieux » qui souligne le fait que « Baillargeon a des CONVICTIONS POLITIQUES PARTICULIÈRES [comprendre : il n’est pas un adepte de la pensée unique nationaliste dont Louis « le Pieux » est un fervent gardien] mais il reste un pédagogue hors pair, même quand il discute avec ses adversaires. »  Par cette élégante entrée en matière, Cornellier cherche notamment à susciter l’admiration de son lectorat en mettant en évidence le fait qu’il sait  s’attaquer à mieux qu’au menu fretin.  Évidemment son auditoire, acquis à son point de vue comme les dévots qui assistent à la grand’messe, salive déjà, agenouillé devant la vindicte annoncée et attendant avec impatience que tombent les divines foudres de l’inquisiteur. Les dévots ne seront pas déçus. 

L’un des autres procédés favoris de Louis « le Pieux » est la vilaine comparaison. Ainsi, il écrit que Baillargeon « est athée, alors que je me réclame du catholicisme ». Remarquons ici que notre saint Louis « national » (puisqu’il est de ceux selon qui tout au Québec devrait être « national ») ne dit pas : « Il est athée et JE SUIS catholique », mais plutôt : « Il est athée et JE ME RÉCLAME du catholicisme », ce qui permet à Louis « le Pieux » de se mettre de l’avant en tant qu’être tout en nuances et modération, tandis que Normand Baillargeon ne devrait quant à lui être perçu que comme un sans-dieu vulgaire et extrémiste.  

Baillargeon « déçoit », fait mine de déplorer Louis « le Pieux », quand il aborde les « théodicées », notamment sur la question du mal et de la souffrance : comment un dieu que l’on dit souverainement bon peut-il permettre le mal et la souffrance ? Baillargeon refuse la croyance suivant laquelle dieu aurait créé l’homme libre, impliquant qu’il soit libre de faire le bien ou de faire le mal. Il préfère en appeler à la raison plutôt qu’au « mystère » dans l’explication de la souffrance et du mal. Selon Cornellier, qui s’arrange toujours pour montrer qu’il en connaîtrait plus que quiconque sur la question, Baillargeon appuierait sa critique à partir d’une version dépassée des fameuses « théodicées ».  

Pour (du moins c’est ce qu’il s’imagine) porter le coup final à l’infidèle, Louis « le Pieux » s’inspire de la pensée du jésuite Pierre Teillard de Chardin, que notre élégant bien-pensant classe dans la nouvelle et ineffable catégorie des théologiens « théo-évolutionnistes » (Oh Darwin ! que n’a-t-on pas inventé pour usurper ton nom et ta science… preuve encore s’il en est une de la malhonnêteté intellectuelle de Louis « le Pieux »), dont le passage tiré d’un livre de Jacques Duquesne et que cite allègrement Louis « Le Pieux » Cornellier se révèle on ne peut plus embrouillé.  Le cœur rempli de gratitude pour « celui qui ne me déçoit jamais », je reprends tel quel ledit passage en le laissant à votre sage et éclairée compréhension :

« Si Dieu n’est qu’Amour, il ne peut créer un homme tout fait. Lequel ne serait pas libre. Aimer, c’est respecter la liberté de l’autre. […] Dieu ne pouvait donc que créer l’homme dans un monde inachevé. [Remarquez ici le « ne pouvait donc » qui implique « qu’il n’avait pas le choix », ce qui en enlève un peu à la liberté même de dieu. Évidemment, c’est la raison qui me fait parler ainsi et non la foi, donc Cornellier dira sûrement que je me trompe, indécrottable mécréant que je suis]. Puisque, si l’homme vivait dans un monde tout fait, figé, parfait, il ne pourrait tout simplement pas être. » [J’ai beau lire et relire ce passage, je n’arrive pas à saisir la « profondeur » de cette pensée, du moins selon les critères, souvent creux il est vrai, de notre bien-pensant attitré du Devoir. Ce serait donc ça le « mysticisme scientifique » dont se pare Cornellier, non sans quelque évidente vanité qui lui donne cet air devenu si caractéristique de se penser plus intelligent que quiconque ? Vite ! Un cachet !]

Et dire que c’est comme ça que Louis « Le Pieux » Cornellier s’imagine avoir asséné le coup de grâce à son adversaire. S’il-vous-plaît, ne vous ai-je pas déjà dit de ne pas me faire rire alors que j’ai les lèvres gercées ?

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